Il aura fallu attendre le débat pour que le débat s'instaure

Publié le par Le chafouin

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Cela fait désormais dix jours que ces deux visages se sont incrits sur nos écrans, le dimanche 22 avril à 20h. Depuis, on navigue à vue dans les deux camps dans l'attente du grand débat de mercredi soir. Il aura donc fallu attendre la confrontation pour enfin rentrer dans le débat de fond. Quelle dommage de répondre de la sorte à un pays qui pour une fois, a massivement refusé l'abstention au premier tour.

On le savait : le débat entre les deux qualifiés pour le second tour de la présidentielle, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal est annoncé depuis des mois comme décisif. Il décidera vraisemblablement du sort du prochain quinquennat. Et à 24h de ce duel, il semble que la France entière l'attende avec impatience. Pourquoi? Pour faire leur choix, ou pour le confirmer... Car force est de constater que pour l'instant, le vif du sujet n'a pas encore été abordé. Le débat "bloc contre bloc", idées contre idées, n'a pas montré le bout de son nez...

Tout avait pourtant si bien commencé. Sarkozy appelait au "respect" entre les deux candidats dès le soir du premier tour. Demandait un débat d'idées en-dehors de toute diabolisation. Et le discours de Royal, quoique soporifique, n'avait certes pas répondu à cette requête, mais ne l'avait pas non plus rejettée.

Et depuis, qu'avons-nous eu en guise de nourriture électorale? Qua eu le peuple de France pour combler son appétit, lui qui a voté à plus de 80% au premier tour?

Les interventions croisées des candidats sur France 2 et TF1 ont certes été très suivies. Elles ont été prolifiques, et ont permis à chacun de préciser son programme. Ces émissions auraient pu aussi servir à instaurer un débat public en France,en attendant le vrai. Elles auraient pu engendrer une confrontation intelligente sur la base des propositions de chacun.

Au lieu de ça, on a eu droit au pire. A la danse du paon du PS et surtout de Ségolène Royal autour de François Bayrou et de son électorat tant convoité. Au débauchage, dans le même temps, de la quasi totalité des parlementaires UDF. Pathétique. Puis on a eu la polémique sur le débat Royal-Bayrou. Les insinuations de Royal au sujet de pressions supposées de Nicolas Sarkozy pour empêcher à tout prix ce débat. D'abord celui qui était prévu avec le syndicat de la presse quotidienne régionale. Qui dément toute pression et au contraire, met plutôt en cause Ségolène Royal. Comme quoi.... On accusera encore, de façon tout aussi ridicule, Sarkozy d'avoir incité Canal + à ne pas organiser ce "dialogue"... qui se tiendra finalement sur RMC et BFM-TV sans accroc. ET le débat, dans tout ça?

Et après? Sarkozy propose à nouveau la proportionnelle, dimanche soir à Bercy. Après avoir rabroué Brice Hortefeux, son fidèle destrier, qui avait émis cette idée lorsque son patron était en pleine tentative d'OPA sur l'électorat du Front national. Il fait marche arrière. Du coup, le PS se moque. Que peut-il faire d'autre, hein?

Rien, il n'y a rien. Royal a rassemblé 60 000 spectateurs au stade Charléty cet après-midi. Cela montre tout de même l'intérêt que portent les citoyens à la chose publique, non?

Et pourtant. Pendant que Sarkozy abat toutes ses cartes les unes après les autres, l'équipe de Royal se contente le plus souvent de diaboliser l'homme. Et de faire croire qu'il est débiteur du bilan de Jacques Chirac.

Que les choses soient claires. Il n'est pas question ici de soutenir Sarkozy plus que Royal. Mais en toute objectivité, le candidat de l'UMP n'a-t-il pas passé toute la durée de ce quinquennat à taper sur Chirac? A critiquer sa politique? En quoi devrait-il donc répondre des actes posés pendant cette législature? D'autant que même s'il partage un certain nombre d'idées avec Chirac, il souhaite quand même clairement rompre avec son style politique.

C'est d'ailleurs en s'appuyant sur cette volonté de rupture de Sarkozy, qui anéantit l'argument du bilan, que le PS compte miser sur un vote "contre" dimanche prochain. Vous n'aimez pas Sarko? Votez Ségo. Sarko, c'est Le Pen.  C'est quasiment un fou assoiffé de sang. Un loup-garou qui chasse les immigrés pendant la nuit, qui ne rêve que d'identité nationale et qui a pour objectif premier la précarité dela France entière, pour satisfaire ses amis patrons. Au fond, Sarkozy, c'est Georges Bush.

J'exagère le trait, mais c'est ça qui nous est proposé aujourd'hui. On compte nous faire légitimer un programme politique, celui du PS, par le rejet de la personnalité de celui qui défend le projet inverse. Du jamais vu dans une démocratie. Un candidat pourrait obtenir la majorité en bénéficiant du vote utile au premier tour et du vote de la peur au second?

Sarkozy inquiète, il ne faut pas le nier. Certains de ses propos sont choquants, il n'y a pas à y revenir, on l'a suffisamment souvent dénoncé ici. Mais peut-on en faire un programme électoral? Doit-on remplacer l'échange d'idées par la soviétisation des esprits? Peut-on baser cinq ans de politique "royaliste" là-dessus?

Non, mille fois non. Il ne reste plus que quatre jours aux électeurs pour se décider. Espérons que le débat de mercredi soit donc à la hauteur des attentes et "rattrape" le temps perdu jusqu'ici. Et qu'à partir de jeudi matin, les arguments invoqués volent un tout petit peu plus haut. Chez les politiques comme au café du coin. Il s'agit quand même de l'avenir du pays, zut!

Publié dans Politique

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