UMP : les futurs ministres rappellent à l'ordre ceux qui ne le seront pas...
Il est philosophe, Brice Hortefeux. Lui qui est quasi-assuré de se voir confier un grand ministère dans le gouvernement du Président, rappelle à l'ordre ceux qui à l'UMP, ruent dans les brancards, dépités à l'idée de ne pas obtenir de hochet ministériel...
Ce sont deux amis de longue date de Nicolas Sarkozy. D'un côté, Brice Hortefeux, ancien ministre délégué aux Collectivités locales du gouvernement Villepin II. Le "proche des proches", pressenti comme le prochain ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale. Autrement dit, l'homme est à l'aise, droit dans ses bottes, avec un avenir radieux devant lui.
De l'autre, Patrick Devedjian. Le hussard du gouvernement Raffarin a définitivement rallié le camp Sarko après sa mise à l'écart par Villepin en 2005. En compagnie de Fillon, d'ailleurs, qui sera prochainement récompensé par ce retournement de veste très intelligent. Le député dépité des Hauts-de-Seine s'était alors réservé le "ministère de la parole". Il risque de le garder : son récent coup de sang contre l'"ouverture" sarkozienne ne signifie-t-il pas qu'il ne se fait plus aucune illusion quant à son avenir ministériel? "Je suis pour aller très loin dans l'ouverture, y compris jusqu'aux sarkozystes, c'est dire !, a grondé Devedjian en marge de la rencontre de Sarkozy avec les parlementaires UMP, en fin de semaine dernière.. Parce que je pense que la fidélité n'est pas nécessairement le contraire de la compétence." Sarkozy avait indiqué quelques minutes plus tôt aux sénateurs et députés, pour leur expliquer sa démarche d'ouverture, que "la fidélité c'est pour les sentiments, l'efficacité c'est pour le gouvernement". "Un mot d'humour, minimisera plus tard M. Devedjian selon Le Monde. Je suis à 200 % pour l'ouverture, mais il faut des gestes rassurants pour les parlementaires."
Et envers lui-même? Les amis intimes du président, qui lui ont servi de porte-flingue depuis 2002, pouvaient certes espérer obtenir un maroquin ministériel, en guise de remerciement pour leur fidélité passée. Mais leurs espoirs se sont amenuisés au fil des ralliements. Car on voit mal Sarkozy nommer Estrosi, Karoutchi, Hortefeux, Guéant, Devedjian et Morano! En ajoutant Rachida Dati et Xavier Bertrand! Il aurait bonne mine, avec ce gouvernement des Hauts-de-Seine. Et il aurait dû, en outre, choisir entre les ralliés de longue date et les ralliés de la veille. Promettre l'ouverture, c'est aussi prendre le risque de décevoir jusque dans son propre camp. Surtout quand on s'est engagé (on se demande pourquoi?) à réduire le nombre de ministères à 15, et qu'on souhaite respecter une stricte parité (c'est-à-dire sept femmes contre huit hommes, faut pas pousser non plus). Dans ces conditions, les recrues prises à gauche (Védrine et/ou Kouchner?), à l'UDF (Maurice Leroy, Hervé Morin?) et dans son propre camp (MAM, Borloo, Douste, Dupont-Aignan, Boutin?) barrent la route à de nombreux "copains".
Alors certes, Hortefeux a beau jeu de rappeler à l'ordre les déçus de tous bords. Parce que lui, il est dans le bon camp. Mais enfin, sur le fond, a-t-il tort? "L'heure n'est pas aux récompenses mais au rassemblement des talents", a-t-il scandé ce matin sur RTL, rappelant que Nicolas Sarkozy n'avait rien promis à qui que ce soit. Et sous-entendant que lui, il faisait partie des talents? De toutes façons, il y aura d'autres formes de récompense : présidences des commissions parlementaires, rapporteurs des lois, présidence des groupes parlementaires UMP, présidence des assemblées, bureau national de l'UMP...
"L'équipe qui sera constituée ne se résumera pas à un camp ni à un clan, et c'est cela, la nouveauté", conclut Hortefeux. le point commun entre les membres de cette équipe? "Une même conviction que le pays a besoin de réformes."
Si l'initiative se confirme, elle est certes heureuse, car elle permettrait d'éviter les précédents désastreux de 1995 et 2002, quand Chirac avait tout verrouillé au lieu d'ouvrir. Reste à espérer que Sarkozy est sincère. Que notre naïveté ne soit pas trahie. Que l'ouverture résistera aux législatives, s'il les gagne. Qu'elle tiendra même si l'assemblée connaît un nouveau raz-de-marée bleu. Et dès lors, on se demande : qu'attend Bayrou pour se manifester, lui qui rêvait du gouvernement que Sarkozy est en train de constituer?