Législatives : le piège du quinquennat fonctionne à plein

Publié le par Le chafouin

anti_bug_fckOn l'a vu en 2002, on le constate de nouveau en 2007 : la réforme constitutionnelle du quinquennat, adoptée dans l'indifférence générale en 2000 pour limiter les risques de cohabitation, brouille le message des perdants de la présidentielle. De quoi faire perdre tout intérêt à la campagne des législatives...

Le seul argument de campagne, au PS comme au MoDem : ne pas donner les pleins pouvoirs à l'UMP les 10 et 17 juin prochains. Du côté des socialistes, on reconnaît depuis plusieurs jours que la défaite est hautement probable, ce qui montre l'absurdité de la campagne législatives. François Hollande plaide pour un "équilibre des pouvoirs". Ségolène Royal brandit la menace des "pleins pouvoirs" pour la droite,  tout en avouant qu'en étant "réaliste", la victoire sera "difficile". Laurent Fabius, qui lui aussi se satisferait d'une "opposition forte", appelle les Français à prendre conscience du risque d'une "présidence absolue". Bref, les socialistes font grise mine, comme le constate ce cher François Mitterrand depuis sa tombe. Ils se contenteraient d'une petite claque.

A l'UMP, où l'on a bien retenu la victoire écrasante de 2002, malgré un score moyen de Jacques Chirac au premier tour de la présidentielle, on adopte la posture inverse. Pourquoi s'en priverait-on? En meeting au Havre, hier soir, Nicolas Sarkozy a été très clair : "Il vous reste deux semaines pour parachever l'impensable révolution que vous avez accomplie le 22 avril et le 6 mai derniers, deux semaines pour décider ou non de me renouveler votre confiance. Françaises, Français, je vous demande de me donner la majorité dont j'ai besoin pour gouverner".

Voilà, tout est dit. Du fond, ne parlons surtout pas, ou alors à la marge. Le reste ne semble donc que détail. La guéguerre des centres, d'abord, entre le Nouveau Centre de Morin, Leroy, Perruchot, Vercamer ou Robien, partisans, pour peser, d'une alliance avec la majorité présidentielle et le MoDem de Bayrou, Sarnez, Cavada, Bouras ou Delmas, qui restent sur une ligne d'un centre indépendant. L'inexistence des Verts, du PCF, du FN, de Villiers, de l'extrême-gauche, ensuite, rendus inaudibles par une bipolarisation extrême du jeu politique.

Les élections législatives sont pourtant a priori la scrutin d'où est censé sortir la légitimité populaire pour appliquer un projet, la présidentielle devant faire émerger un arbitre, une direction globale, une représentativité à l'étranger. Il suffit pour s'en convaincre de lire la Constitution.

Mais le quinquennat est passé par là. Cette réforme, voulue par Giscard, d'abord refusée puis portée par Chirac, devait nous faire entrer dans la modernité, nous éviter les risques de la cohabitation, jugée dangereuse pour l'unité du pays. Au terme d'une campagne référendaire qui avait passionné les foules (30% de votants, 73% de oui), la quiquennat a été adopté et nous a conduit tout droit, comme le pronostiquaient déjà à l'époque certains analystes, vers une présidentialisation du régime. On l'avait évitée avec Jacques Chirac, qui représentait l'ordre ancien, qui n'avait peut-être pas décelé les subtilités ou les potentialités de cette nouvelle donne, ou tout simplement, qui n'avait pas souhaité s'en servir. Nicolas Sarkozy, lui, n'aura aucun scrupule à en tirer profit. Il l'a dit, et il le montre depuis son accession au pouvoir.

Dès lors, à quoi bon promettre des réformes pour donner plus de pouvoir à une opposition qui sera de toutes façons ultra-minoritaire tous les cinq ans? Car l'origine de la légitimité des députés, de ceux qui adoptent nos lois, est désormais flouée. La majorité dans son ensemble - il y a toujours des particularités locales liées à chaque circonscription - tirera son profit non pas du peuple, mais du président. "Donnez-moi la majorité dont j'ai besoin pour gouverner".

Quinquennat qui a d'ailleurs d'autres vices cachés, constatés lors du mandat Chirac : les ambitions des présidentiables s'aiguisent dès le départ. On l'a vu avec Sarkozy, qui avait lancé sa campagne dès sa nominaiton à l'Intérieur. On le voit aujourd'hui, avec Ségolène Royal qui voudrait qu'un candidat PS pour 2012 soit nommé dès cet été. Et puis, au fond, comment peut-on lancer des réformes d'envergure en cinq ans, alors qu'on est obsédé par sa réélection, ce véritable maillon faible de la démocratie moderne? L'idée n'est pas stupide, mais elle postule le dévouement des politiques, leur volonté de privilégier le bien commun à leurs intérêts, ce qui est décidément difficile à croire.

Deux réformes devraient donc être adoptées d'urgence si l'on veut évoluer vers une démocratie assainie. D'abord, instaurer une part importante de proportionnelle aux législatives, afin de contrer le dualisme de la présidentielle. Sans tomber pour autant dans une disparité des voix néfastes à la construction d'une majorité, comme on le déplore en Italie. Ensuite, étendre la durée du mandat du président. Sept ans, dix ans? Quoi qu'il en soit, le mandat devrait être non renouvelable. Qu'en pensez-vous?

Publié dans Politique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
S
bonsoir, Sur le régime américain, je nous vois difficile de l'estimer sans avoir le format maison. Dur à admettre pour mezigue tout de même...J'aimerais bien que Gustave Flaubert puisse développer sa vérité...Et puis pour expliquer la métaphore des poules et des bananes, c'est aussi un proverbe. Plus on se fait vieux, plus on cite les proverbes. Leur rythme et leur musique sonne vachement bien, écoute ton pied de page...  Les bananes, c'est un peu le pouvoir, (le régime ! ha! ha!). Les poules, les sarkoziens. Les chiens, en l'occurence, se qui se défendent de vouloir le pouvoir à tout prix, mais notre bonheur: les socialistes.Bon, c'est simplet OK ! mais ça fait du bien, pour un petit vieux comme moi, de citer les proverbes.Bonus track  :  a peu près phonétiquement m'a t-on rapporté"sien pas ainmé banan' ma i pa lé poul' p'wen  y "  c'est fun non, et tellement culturel, même si j'aimerais bien qu'un antillais le transcrive correctement...93.5 fm   on peut rêver....
Répondre
L
@NicoOui, c'est ce que je dis! Et leur système n'est pas si mauvais finalement...
Répondre
N
@ le chafouinla grosse différence avec les EU, c'est qu'en France depuis 2002 on n'a plus de mid-term elections...
Répondre
L
La question se pose, c'est vrai... Mais je crois qu'on aurait plus à perdre avec une parlementarisation du régime qu'avec une présidentialisation... Le problème, en définitive, est-ce que c'est le régime présidentiel ou le fait que ce soit Sarkozy qui l'incarne?Aux States, les élections au Congrès et au Sénat n'ont pas lieu juste après la présidentielle... C'est ça, le hiatus... Et là bas, on ne peut faire que deux mandats. Un mandat de sept à dix ans non renouvelable, ça ne te tente pas?
Répondre
N
@ le chafouinattention je suis totalement opposé à la proportionnelle intégrale : c'est la porte ouverte au merdier et aux partis charnières... on a déjà donné avec le résultat désastreux que l'on sait :-(((je n'ai dans le fond rien contre l'élection du président au SUD, mais il semble de bon ton de dire que cela personnifie trop l'élection (certains comme Besson n'hésitent pas à parler de culte de la personnalité), c'était une simple proposition pour lever cet obstacle
Répondre