Est-il réactionnaire de vouloir filtrer l'accès à Second Life?
Difficile d'aborder ce sujet de façon plus brillante que celle de Toréador, dont la pique, le paso-doble, sonne comme un terrible coup de poing dans l'estomac de Versac, qui n'en demandait certes pas tant.
L'association Familles de France, comme le racontait déjà Libé dans son édition de vendredi, attaque le site Second Life, ce monde virtuel dans lequel se meuvent des tas d'internautes blasés de la vie au point de s'en inventer une autre (six millions de personnes, selon l'association, sept millions selon Libé). Certains y gagnent de l'argent, d'autres y mènent leur campagne électorale. Il y a là des manifestations, des rencontres, des coups de foudre en puissance, qui sait. Mais là n'est pas le débat.
Ce qui irrite Familles de France, c'est ceci : "De véritables photos et vidéos pornographiques en libre accès placardent certaines régions. Les utilisateurs ont la possibilité de mimer des rapports sexuels, allant même jusqu’à des scènes de viol, de bondage, de zoophilie et de scatophilie. Des passerelles entre l’univers virtuel et des sites internet de pornographie permettent à l’utilisateur d’être redirigé rapidement".
Or le code pénal interdit que des images pornographiques soient visibles par des mineurs (règle régulièrement violée, en toute impunité, par la plupart des tabacs-presse). Familles de France, qui fustige également les publicités pour le tabac, l'alcool et les jeux d'argent, réclame donc "des mesures techniques efficaces de protection afin que des contrôles soient mis en place pour empêcher l’accès à ces dérives par les mineurs", et en attendant, rapporte Libération, "que l'on débranche l'accès à Second Life, privant du jeu, plusieurs centaines de milliers de français". Un tel filtrage s'apparente en effet à une mission impossible : «Le filtrage est infaisable. Tout ce qu'on sait faire, c'est interdire l'accès à tous les sites d'un hébergeur», explique dans le quotidien le président de l'AFA (association des fournisseurs d'accès).
Mais comme le souligne Toréador, pour qui Second Life est un "espace de diffusion qui peut devenir un lieu de transmission de valeurs négatives", où l'"on passe de l’amoral à l’antimoral", cette initiative vaut-elle l'ironie, le "ils n'ont vraiment rien d'autre à foutre" de Versac? La question, en fait, se pose en ces termes : Faut-il accepter qu'internet devienne une zone de non-droit, sous prétexte que les lois y sont plus difficilement applicables?