Cantat, Medef, journée noire et internes (ouf)
C'est dur de manquer de temps. Surtout en ce moment. L'actualité est riche, les débats nombreux. Mais on n'a pas le temps. Pas le temps du moins d'approfondir, de chercher, d'être rigoureux. On aurait pu parler de la libération de Bertrand Cantat, déjà abordée de façon un peu maladroite sur ce blog. On aurait pu préciser que ce qui est en cause, ce n'est pas notre cher Bertrand Cantat mais la possibilité quasi-systématique de bénéficier d'une libération conditionnelle. Est-ce normal? Bernard Menez nous signale à juste titre qu'Eolas a réalisé là-dessus un billet une nouvelle fois mémorable. Nous expliquant pourquoi Cantat y a droit, au même titre que tout détenu, et nous énumérant les intérêts que la société peut retirer de ces libérations. Sauf que deux arguments peuvent être opposés au principe même de libération conditionnelle : le fait que ce soit systématique, justement, et que du coup, les peines prononcées n'ont aucun sens. A quoi sert de décider d'une peine de huit ans si c'est pour l'aménager au bout de quatre? N'y a-t-il pas une forme de tromperie vis-à-vis des victimes, dont la décision d'appel de la condamnation dépend au départ de sa nature et de son étendue? Deuxième objection : n'y a-t-il pas un risque de cercle vicieux, les juges décidant ainsi de condamner les accusés du double, songeant déjà à une éventuelle libération à mi-chemin? Tout cela pose question.
Mais on manque de temps pour approfondir. De la même manière qu'on aurait aimé évoquer cette affaire des caisses noires de l'UIMM. S'étonner qu'autant d'hommes ou femmes politiques en parlent comme s'il s'agissait d'un fait bien connu. Pourquoi tout le monde l'a bouclé pendant des années, alors? Mais non, messieurs-dames de l'élite étaient au courant. Dans le coup. Ils savaient. Ils subodoraient. Mais ont gardé ça pour eux. C'est drôle, ça. On fait fuiter l'info dans le Figaro avant la perquisition, ce qui laisse le temps aux personnes concernées de planquer d'éventuelles pièces compromettantes. Et l'information judiciaire, quand sera-t-elle ouverte?
On pourrait aussi s'amuser du fait que d'un système de caisse de solidarité pour les entreprises en cas de grèves, on se mette à pérorer sur le financement occulte des syndicats. Franchement, qui est visé, le Medef ou FO et la CGT? Qui est perquisitionné, le siège de l'UIMM ou celui de la CFDT?
De là, on aurait pu rebondir sur cette journée noire dans les transports prévue pour demain. Ce fantasme. Ce truc qui excite au plus haut point les rédactions, qui ne parlent plus que de ça depuis deux jours. Vous voulez entendre l'avis de Intel, artisan dans l'Oise, qui va souffrir de l'absence de train? Branchez France Info, ils le repassent en boucle depuis hier matin. Evitez quand même Morandini si vous ne voulez pas souffrir. Journée noire. Fantômes de 1995, mon oeil! Sarkozy ne reviendra pas en arrière et d'ailleurs, les syndicats ne reconduiront pas leur mouvement. De la poudre aux yeux, tout ça. Et puis, 1995 est loin : les salariés du privé ne se feront pas avoir deux fois à soutenir un mouvement sectaire destiné à protéger quelques exceptions qui refusent de contribuer au système. L'ouvrier qui fait les 3-8 chez Rhodia, lui, ne manifeste aucune émotion lorsqu'il entend un conducteur de train lui expliquer qu'il a mal au dos, qu'il aimerait bien partir à la retraite à 50 ans et que de toutes façons il y en a marre de cette "casse du service public". L'ouvrier de chez Rhodia se marre, se gausse, profère quelques jurons et félicite Sarkozy. Mais ce qu'il ne sait pas, c'est qu'en aucun cas la pseudo-loi sur le service minimum ne changera quoi que ce soit à ce genre de journée prise d'otages!
Pendant ce temps, les internes se battent comme ils peuvent, avec leurs moyens. Eux, on veut leur imposer de travailler dans cette petite commune de la Creuse alors même qu'on y a fermé la Poste, la ligne de TER, le Trésor public. Alors même que le curé lui-même est parti, lui qui a désormais quatorze paroisses à couvrir. Alors même qu'il n'y a plus comme lieu de vie que la petite épicerie et le Café des Trois Pendus. Ce matin, à Lille, ils ont plâtré des horodateurs pour se faire entendre, les internes. 231 pauvres horodateurs. Personne n'est embêté, à part la mairie. Au moins, quelques automobilistes auront pu se garrer gratis. Voilà un mouvement sympathique et respectueux des autres. Un mouvement qui assure enfin "l'emmerde minimum".
Mais on n'a pas le temps d'approfondir tout ça. C'est ça, le problème du blog. On en arrive à devenir dépendant de ce truc qui pompe un temps fou. Qui nécessite des recherches et du recul pour essayer d'éviter de raconter des foutaises. Si on veut écrire quelque chose de propre, il faut se lever tôt. On ne va pas bâcler, tout de même. Ni se forcer, ce serait indécent. Là, j'avoue, j'ai un peu écrit à la va-vite. Pardonnez-moi.