Etre dans le vent, une ambition de feuille morte

Publié le par Le chafouin

Quatre "unes" d'hebdos au goût désagréable cette semaine pour le président de la République. Le Nouvel Obs', dans un registre habituel vu son créneau politique, titrait sur "Le Président qui fait pschit". Marianne, habituée des titres antisarko, préférait analyser l'attitude de la presse à son égard : "Hier ils se couchaient, aujourd'hui ils le lynchent". L'Express et le Point marquent la vraie surprise en choisissant de titrer respectivement "La déception" et "Ce qui cloche". Ce matin, les quotidiens s'y mettaient eux-aussi. L'angle de tir est simple : panique au sommet de l'Etat, l'UMP est à terre, les états-majors sont affolés, désastre en vue pour les municipales.

L'affolement est injustifié : la situation n'est pas pire aujourd'hui qu'hier. Reste qu'il y a un fait à prendre en compte : le retournement de veste des médias. Car il y a quelques mois, c'était globalement "mon président est fantastique", "l'ouverture met le PS chaos", "vive l'UMP" et "les réformes, c'est cool".

L'attitude globale des médias à l'égard de Sarkozy est en train de basculer et pourtant, ses plus fidèles supporters voudraient prendre prétexte de ce changement de cap pour prouver qu'il n'y a jamais eu de domination médiatique de notre président. Après tout, Sarkozy lui-même se pose en victime des médias, ces derniers temps! Ainsi, Koz écrit ceci en commentaire d'un billet ironique sur le sujet : "Si les medias étaient à ce point liées à Nicolas Sarkozy, s’il y avait entre eux une connivence fondée sur l’argent, si les journalistes lui “mangeaient dans la main”, cela ne se manifesterait pas que lorsque son “astre” était au plus haut, pour s’arrêter subitement quand la bise fût venue. Quand tout allait pour le mieux, il n’était guère besoin de solliciter leur aide. C’est un étrange complot, celui qui prend fin quand on en aurait besoin."

Chez Gai Luron, on enfonce le clou, afin de briser le cou à cette "doxa" qui voudrait que les médias, qu'on confondrait trop avec TF1, soient aux ordres du sarkozysme triomphant : "Seulement, il y a des jours où le réel, loin de ronronner, vocifère une évidence; cette évidence fut celle de la conférence de presse, où les cinq années de mainmise médiatique annoncée se transorfmèrent en moins de 24 heures en Sarkozy ennemi juré des médias. Après s'être vu accusé tous azimuths de les tenir, voilà-t-y pas que le même Sarkozy est accusé de les martyriser, de ne pas en respecter la dignité, de s'en moquer - ô suprême hérésie!"

A mon humble avis, cet emballement médiatique ne peut pas servir de preuve de l'indépendance de nos chers journalistes vis-à-vis de notre non moins cher Sarkozy. Prétendre que Sarkozy n’a pas bénéficié, sinon du soutien, du moins de la sympathie non déguisée de nombreux patrons de presse et éditorialistes, c’est être aveugle ou de mauvaise foi. Dire que Sarkozy n’a pas été d’avantage mis en lumière que les autres, alors que les chiffres montrent le contraire, est tout autant mensonger. Oh, il n'y a certes pas de complot. Les journalistes penchent globalement plus à gauche qu'à droite, du moins culturellement. Mais leurs patrons, eux, ont clairement été fascinés par Sarkozy, par son entregent. Et nombre de rédacteurs, y compris de gauche, ont été pris inconsciemment dans la stratégie du maître de la com' : toujours être le premier à l’agenda politique. Sarkozy, c'est ce qu'on appelle un "bon client". Un type qui donne du grain à moudre, toujours prêt à polémiquer, à fournir des phrases toutes faites, bref, un homme politique qui livre du prêt-à-imprimer qui convient bien à la fainéantise des journalistes parisiens. Ils sont plus prompts à gloser, à commenter et à s'extasier, passant de cour en cour, qu'à enquêter.

La presse a ainsi été entraînée malgré elle dans un cercle vicieux, qui a également impliqué la vie privée du président, le dernier avatar en date étant cette histoire stupide de SMS à Cécilia. A être ainsi médiatisée volontairement, la vie privée de Sarkozy s'est rétrécie peu à peu, rentrant dans le champ public. Et peu à peu, ce qui était il y a quelques mois encore un avantage s'est retourné contre lui. Car désormais, son attitude privée est susceptible d'éclairer son action publique! Et force est de constater qu'à part se marier quatre mois après son divorce avec une femme vulgaire, prônant la polyandrie et posant nue, Sarkozy n'a guère brillé par son élan réformateur. Un vrai Chirac!

La presse n'a pas été exempte de ce phénomène de distanciation vis à vis de Sarkozy. Mais à mon sens, sa versatilité et son revirement de ces derniers jours s'explique de deux façons :

- la première, c'est l'étroitesse de vue de médias focalisés sur l'instant, qui ne prennent que rarement de la hauteur sur les événements. - L'emballement répond à des critères bien précis qu'on a déjà détaillés ici, et qui s'appliquent parfaitement à l'hystérie en cours.En l'occurrence, qu'est-ce qui explique tous ces articles catastrophés? Les sondages négatifs pour le président, dont la cote de popularité - ô rage, ô désespoir - a atteint 39% pour le plus pessimiste. Ce qui n'est pas si mal, car c'est encore au-dessus des votes de premier tour! Sondages négatifs qui se télescopent avec les élections municipales. Qui dit élections en cours de mandat dit sanction, même si ce type de suffrage est particulier....
Ces mêmes médias relaient par ailleurs sans aucune réserve les critiques émanant du propre camp de Sarkozy. Critiques largement stériles, qui proviennent de personnes uniquement préoccupées par leur réélection, leur petit fief, bref, leur petit nombril. On leur promet des réformes? Ils disent youpi aux réformes. Ils applaudissent à cet homme qui enfin, va faire autrement que Chirac. Qui enfin, va réconcilier la droite avec ses électeurs. Et en réalité, quoi? cette majorité est comme les précédentes : frileuse dès qu'un scrutin se profile. Ah, si les mandats étaient plus longs...

- La seconde, c'est l'esprit courtisan, et le principe "puissant avec les faibles et faible avec les puissants". - La presse française, et en particulier parisienne, ressemble beaucoup aux personnages incarnés par Louis de Funès. Sévère, intraitable avec les faibles, mais hypocrite et servile avec les forts. Toujours dans le sens du vent. Les sondages sont pour Sarkozy, en 2002? On fait des kilos d'articles pour vanter ce superbe redresseur de torts, qui enfin va changer la France. Les sondages sont contre lui? Malaise, panique à l'Elysée.

Il existe une bonne illustration de ce propos, qui cette fois en dit long sur l'esprit corporatiste des médias : cette magnifique dépêche Reuters envoyée de Guyane, où le président est en voyage officiel. Le journaliste s'y plaint que Sarkozy les ignore. Oh, le pauvre petit, le président refuse de lui parler d'autre chose que son voyage, et refuse de parler de Carla Bruni et des sondages! Lisez, cela en dit long, très long sur l'esprit qui anime la presse parisienne.

Ah, j'oubliais. J'ai un petit faible pour cette citation de Gustave Thibon : "être dans le vent, une ambition de feuille morte"...

Publié dans Chafouinage

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P
sarkozy doit partir, je vous inbvite a signé une pétition pour la déstitution de sarkozy et d'en parlerpétition : www.antisarkozysme.com
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L
Ne me pousse pas dans mes retranchements, roman! quand on vote, on ne se pose pas la question de savoir "mais si tout le monde réagit comme moi?" J'ai beaucoup hésité, j'ai tranché, tu pourras me juger indéfiniment mais je ne regrette absolument pas mon choix vu comme ça tourne au vinaigre.
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C
Mais ce n'est pas choisir entre la peste et le choléra, puisque tu reconnais toi-même que Sarko était "moins pire" que Ségo ! C'était plutôt choisir entre la peste et le coma...
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L
@CriticusJe ne suis pas "électeur de bayrou", j'ai voté une fois pour lui, et c'est le candidat que j'ai le plus critiqué sur ce blog... ;)Je refuse de choisir entre la peste et le choléra. J'espère que l'avenirme donnera tort!?
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C
"entre deux maux, on n'ets pas forcé de choisir le moindre."...Si tous les électeurs de Bayrou avaient raisonné comme toi, Ségolène aurait été élue... tu imagines la catastrophe pour la France ?!
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