L'Europe, une si belle histoire

Publié le par Le chafouin

Il était une fois une Europe créée pour rapprocher les peuples entre eux, éviter tout risque de nouveau conflit et se relever de deux guerres mondiales qui l'avaient laissée exhangue.

Il était une fois une Europe, qui faute de devenir politique, et parce qu'elle s'est obstinée à être incompréhensible pour les peuples, s'est peu à peu éloignée des citoyens. Ceux-ci comprenaient mal pourquoi elle venait réglementer le nombre de kilos de poissons qu'il faut pêcher dans le Bassin d'Arcachon, et pourquoi, elle persistait à refuser la création de quelque bannière barrière douanière que ce soit aux frontières du continent. Quand on est idéologue, mieux vaut l'être jusqu'au bout même si les Etats-Unis eux-mêmes pratiquent ce genre de protectionnisme. Ceux-ci comprenaient également difficilement pourquoi on vient leur dire ce qu'ils doivent penser, comment ils doivent vivre, les droits qu'ils doivent reconnaître ou non, et pourquoi quand ils franchissent une frontière de quelques kilomètres, les communications téléphoniques coûtent les yeux de la tête et les retraits bancaires sont surtaxés. Quand on construit un continent, autant commencer par les détails, pas vrai? Ceux-ci comprennaient mal, enfin, pourquoi on persiste à inclure dans cette Europe une Grande-Bretagne peu concernée, qui n'en tire que ce qui l' arrange à l'exclusion de tout le reste. Ils se demandaient pourquoi les Français ne feraient pas de même, après tout. Et on les traitait de poujado-fascistes et de sadomasochistes.

Et puis tout à coup, on leur a proposé une Constitution, qui reprenait tous les textes prééxistants en les formalisant de manière solennelle, tout en les accompagnant d'une charte des droits fondamentaux et en simplifiant le fonctionnement des institution. Nouvel épisode formidable de l'histoire. On annonçait de terribles catastrophes et une guerre atomique en cas de victoire du "non". Les ouistes, eux, assuraient qu'il était irresponsable de demander au peuple son avis. Parce que le peuple, il ne comprend jamais. Les députés, eux, savent ce qui est bien ou mal. Ces chers députés.

Pour faire passer la pilule et éviter la raclée qui s'annonçait, on avait préféré désamorcer la question turque d'abord. Ah oui, parce que dans cette belle histoire, il faut ajouter que par idéalisme, depuis les annés 80, on a entrepris d'avaler sans cesse de nouveaux pays avant même de savoir ce qu'on voulait faire de l'ensemble, et avant même d'avoir approfondi l'intégration européenne. Comme ça, quand on est vingt-sept, c'est vachement plus simple de tomber d'accord sur quelque chose de profond.

Et donc notre président Jacques Chirac avait dit : "toute nouvelle entrée dans l'Union, et par exemple celle de la Turquie, sera soumise à référendum en France". Et ce fut inscrit dans la Constitution, à l'article 88-5.

Il y eut un soir, il y eut un matin, et le "non" l'emporta tout de même.

Parce qu'en Europe on adore la démocratie, on décida d'interrompre le processus de ratification. Pas fou, sur les peuples qui s'étaient prononcés, tous avaient dit non, à part les Espagnols. On s'était dit que poursuivre le tour de table serait trop dangereux pour ce beau projet constitutionnel. Le peuple, on l'aime mieux quand il approuve.

Près de trois ans plus tard, on décida qu'il fallait relancer l'Europe. Et donc on bricola à la va-vite un semblant de traité simplifié reprenant peu ou prou le Traité constitutionnel européen rejetté en 2005. Mais cette fois, on le fit approuver par les députés. Un député, c'est plus sûr et surtout, bien plus loyal qu'un électeur.

Comme toute histoire qui se respecte, celle-ci a une superbe chute. Car tenez-vous bien, une fois ce traité approuvé, et bien ion s'est rendu compte qu'il n'y avait plus besoin de ce fichu article 88-5! Pour quoi faire, maintenant qu'on n'avait plus besoin du peuple!

Et hop, ni une, ni deux, le conseil des ministres a donc adopté hier le projet de modification constitutionnelle supprimant cet article. Le même jour, ironie du sort, le président slovène Danilo Türk expliquait à la tribune du parlement européen que "L’Europe ne doit pas refuser à la Turquie une perspective d’adhésion qu’elle lui a déjà promise."

Sans blague! Moi je n'ai rien promis.

Bien sûr, il y aura toujours des gens comme Pierre Catalan ou Jean Quatremer pour nous expliquer en quoi cet article était mauvais d'un strict point de vue de droit constitutionnel. Certes, techniquement, ils ont sans doute raison. La question n'est même pas là.

Le véritable sujet, c'est que Nicolas Sarkozy s'apprête à retourner sa veste sur le sujet. Et qu'il finira par soutenir cette adhésion qui tuera définitivement l'Europe politique. Ce n'est pas un hasard si Etats-Unis et Grande-Bretagne soutiennent ardemment cette candidature. Rappelons, à toutes fins utiles, ce que Nicolas Sarkozy affirmait en 2004 au-sujet de l'adhésion de la Turquie à l'UE : "Une décision aussi importante ne pourrait être prise qu'après qu'il y ait eu un référendum en France pour connaître l'opinion des Français".

Tiens, voilà ce qu'en dit Nicolas Dupont-Aignan : "Le discours officiel ne tient pas la route une seconde. Nicolas Sarkozy étant hostile à l’entrée de la Turquie, nous n’aurions plus besoin de référendum. De qui se moque-t-on ? Quand on se souvient qu’une fois élu, le Président n’a pas voulu mettre le veto sur l’ouverture de trois chapitres supplémentaires de négociations d’adhésion, on en est en droit et même en devoir de douter de la sincérité de ses assurances ! Et ce n’est pas un nouveau talk-show qui, comme par un coup de baguette magique, arrangera les choses… "


Merci à Nicolas J, dont la
migraine a suscité la narration de cette si belle histoire.

Publié dans Europe

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L
La lutte contre la pauvreté mentale, voilà la véritable priorité...
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R
 <br /> <br /> POUR UN IMPOT EUROPEEN SUR LA FORTUNE<br /> Voici le texte d'une pétition qui peut être signée sur : le site la petition.com; le blog http://europe-rouge.over-blog.com/article-17835468.html :<br /> Depuis plus d'un quart de siècle, les inégalités sociales ne cessent de se creuser en Europe au profit d'une petite minorité de grands bourgeois trop riches.Une construction européenne basée sur la "concurrence libre et non faussée",notamment entre états et entre les systèmes sociaux nourrit le dumping fiscal, au détriment du monde du travail et des services publics.Face aux scandales de la fraude fiscale, à l'existence des états voyoux que sont les paradis fiscaux, les citoyens sont de plus en plus nombreux à se révolter contre la cupidité sans frein des bénéficiaires des rentes financières et immobilières, dont les spéculations menacent aujourd'hui l'économie mondiale. L'harmonisation fiscale au sein de l'Union Européenne devenant une exigence pressante, nous demandons que la première étape en soit la création d'un impôt europén sur la fortune, sur le modèle de celui existant en France,mais à un taux permettant une réduction effectives des inégalités sociales. Le produit en sera notamment affecté au développement durable des régions les plus pauvres.<br />  <br />  
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L
@Xerbias et EricOn est d'accord. C'ets d'autant plus hypocrite qu'il n'y a même aps besoin de référendum pour s'opposer aux négociations. Si M. Sarkozy a des opinions là dessus, qu'il les assume!
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E
Promettre ne lui coûte pas cher : il lui reste 4 ans à l'Elysée et les chances pour que la question soit posée dans cette période sont infimes... Et même si il rempile pour 5 ans de plus, la question risque bien ne pas être encore à l'ordre du jour....
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X
"CF Sarkozy hier soir, engagement de s'adresser au peuple pour l'entrée de la turquie en Europe...On verra s'il tient parole."Parcequ'il sera forcément en poste au moment dudit référendum ? Autant prendre tout de suite ses responsabilités, et l'organiser tout de suite ce référendum dans ce cas là. Pas besoin des modalités, c'est sur le principe que l'on pourra s'exprimer. En effet, il est inutile de laisser espérer les Turques si l'on n'est pas d'accord dès le départ sur leur adhésion. Tout cela est parfaitement irresponsable, et Sarkozy déçoit clairement sur le sujet.
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