Des différentes façon qu'il existe de rendre compte d'un fait objectif

Publié le par Le chafouin

Les faits : un homme ayant récemment épousé un autre homme aux Pays-Bas, où ils vivent, et a demandé la nationalité néerlandaise a de facto perdu sa nationalité française.

Présentée ainsi, cette information mérite plus de détails pour pouvoir en juger. Il est amusant de voir deux façons différentes de procéder.

D'un côté, vous avez la vision idéologue des choses, qui n'a aucun recul et se contente d'un paresseux et facile procès d'intention, dans lequel se glissent tous les sous-entendus. C'est la vision du magazine Têtu, reprise peu ou prou par la presse entière : ce fait signifie qu'un homme a été discriminé parce qu'il était gay. Cette caricature de la thèse de l'Etat réactionnaire se retrouve aussi chez Marc Vasseur, qui affirme qu'il "conchit cette république et ce gouvernement de vieux cons réactionnaires". Tout ça parce que nos chers médias et notre cher Marc ne se renseignent visiblement pas.

Car selon trois sources juridiques concordantes, il semble que cette décision automatique trouve sa source dans des conventions internationales qui échappent totalement au gouvernement français. Pour simplifier, vu que l'état-civil français ignore le mariage entre personnes de même sexe, ce monsieur reste célibataire aux yeux du droit français. Et donc en acceptant la nationalité néerlandaise sans préciser qu'il voulait garder la française, il a logiquement perdu cette dernière.

Voici ce qu'en dit Maître Cobert :

"Peut être ne savait-il pas qu'une convention franco-néerlandaise datant de 1985 prévoit que toute personne d'un des deux pays acquérant la nationalité de l'autre perd automatiquement sa nationalité d'origine. Bien sûr, il y a une exception à la règle en cas de mariage et de manifestation expresse de volonté de garder sa première nationalité. Certes, il semble que Frédéric n'ait pas entrepris cette démarche lors de son mariage, certes la France ne reconnaît pas la validité de son mariage gay. Mais, en aucun cas la nationalité française ne lui a été retirée à cause de cette union homosexuelle. Entre son mariage gay et l'acquisition de sa nouvelle nationalité, il était toujours français. S'il n'avait pas demandé la nationalité néerlandaise, il serait aujourd'hui toujours français malgré ce mariage."

Voici ce qu'en dit Eolas :

"Cette convention pose le principe qu'un citoyen d'un des pays signataires qui prend, par un acte de manifestation de volonté (déclaration, demande) la nationalité d'un autre pays signataire perd sa nationalité d'origine. Convention qui, en application de l'article 55 de la Constitution, prime sur la loi interne."

Et Jules de Diner's Room :

"Il est donc difficile de conclure que le droit français punit les homosexuels en les privant de nationalité. En réalité, la règle n'est que l'application du droit international privé. Le français ne peut aller quérir ailleurs la loi qui lui semble plus favorable pour faire échec aux règles de son droit national. Et s'il est privé de sa nationalité, ce n'est que parce qu'il a volontairement choisi d'adopter la nationalité néerlandaise. J'estime que le refus du mariage aux couples de même sexe présente un caractère discriminatoire, mais il me semble que c'est pousser un peu loin que de de brutaliser les faits de cette affaire pour en déduire une frénésie punitive du droit français à l'endroit des homosexuels."

Parler de droit plutôt que d'interprêter à la hâte, c'est tout de même plus plaisant intellectuellement. Et sans doute plus proche de la vérité!

Publié dans Chafouinage

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F
Bon billet, qui montre en effet des lectures de cette affaire que je n'avais pas... Rien que pour ça, merci.Bonne semaine
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R
Je te rejoins, Chafouin. Cet "évènement" est un exemple parfait de la manière dont il y a moyen de détourner les faits objectifs (le droit international et français) pour les faire rentrer - de force s'il le faut- dans le modèle idéologique qu'on souhaite promouvoir.Il n'y a en effet nul acte de discrimination volontaire et orientée vis-à-vis des gays dans cette histoire...juste une simple application de la loi.Je précise en outre que, vivant en Belgique où le mariage homosexuel est une réalité depuis des années (et a été voté avec un consensus gauche-droite), j'exprime moi-même cette opinion sans arrière-pensée idéologique, réac ou je ne sais quoi, n'étant moi-même pas opposée à ces unions.
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S
Le plus drole dans l'histoire c'est que nos idéologues sont en première ligne pour dénoncer les coups de comm du gouvernement...
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L
@MarcTu n'as pas compris : il ne s'agit pas d'une mesure, ni d'une décision, mais d'une automaticité liée à la combinaison de nos lois et des conventions internationales qui nous lient avec les Pays-Bas notamment. Rien à voir avec le fruit d'un processus politique, que nous chantes-tu?Quant à Roméro, ça fait bien longtemps qu'il n'est pas de droite. D'ailleurs, il a apporté son soutien à Bertrand Delanoë aux municipales. Quant on voit son attitude à l'ADMD, on ne peut qu'espérer qu'il parle le moins possible sur la scène nationale.
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M
Pour vous, ce n'est pas un simple dysfonctionnement administratif?Non, c'est très symptomatique du comportement de la majorité actuelle. En ce moment, il y a deux tendances. Celle qu'on entend, c'est la majorité la plus dure. C'est la position de Christine Boutin, très conservatrice sur les questions de société. Dans la majorité, il y a aussi des gens plus ouverts, comme Roselyne Bachelot ou Nadine Morano. Mais cette tendance est trop timide et préfère zapper sur ces questions là. C'est la droite décomplexée qui l'emporte sur la droite ouverte. (Un certain Jean Luc Romero)...
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