Mariage annulé à Lille : le tollé est totalement hors sujet

Publié le par Le chafouin

Vous allez dire que je prends le contre-pied systématique de l'opinion générale. En l'occurrence, je comprends mal le tollé suscité par la décision du tribunal de lille d'annuler un mariage au motif que la femme avait menti sur sa virginité, qu'elle avait en fait déjà perdue.

Sihem Habchi, présidente de Ni Putes ni Soumises dénonce une "fatwa contre la liberté des femmes"! Elizabeth Badinter montre au créneau et se dit "ulcérée". Le PS parle de "droit des femmes bafoué". Une décision archaïque pour les uns, scandaleuse pour les autres. Mauvais message en direction des femmes pour les derniers. La secrétaire d'Etat en charge du droit d'Etat, Valérie Létard elle-même se dit "consternée".  L'argument de tous est souvent celui-ci : la sexualité est une question d'ordre privé, prendre une telle décision équivaut à revenir des années en arrière. Vous savez, du temps où les femmes étaient oppressées? Bon, d'accord, j'arrête le mauvais esprit. N'empêche qu'il est amusant de voir toutes ces bonnes âmes s'émouvoir après avoir laissé le communautarisme s'installer ces vingt dernières années.

Ces critiques sont totalement hors sujet. Pourtant, les faits sont simples : un homme, musulman de confession, s'est marié à une femme. Pour lui, il est important que celle-ci soit vierge le jour de la noce. On peut être d'accord ou pas, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un contrat entre deux personnes, et que les deux parties avaient été claires sur ce point.

Partant de là, sachant que pour qu'un mariage soit valable, le consentement des deux parties doit être libre et éclairé, l'annulation n'est pas si étonnante que cela. Il faut comprendre que pour cet homme, la virginité est un élément essentiel du consentement. S'il avait su, il n'aurait pas épousé cette femme.

C'et ce que répond d'ailleurs la chancellerie, qui parle de l'application de l'article 180 du code civil qui dit qu'un mariage peut être annulé si l'un des époux a fait erreur sur la personnalité du conjoint : "En aucun cas cette décision ne constitue une application par les juges de dispositions inspirées par des considérations de morale, religieuses ou confessionnelles", a assuré Guillaume Didier, porte-parole de la ministre de la Justice Rachida Dati lors de son point presse hebdomadaire jeudi. "Ce que le tribunal a retenu pour prononcer l'annulation du mariage, ce n'est pas la virginité ou la non virginité de la personne, mais c'est le mensonge, un mensonge qui porte sur une qualité essentielle pour les deux époux, mensonge en plus reconnu par son auteur", a-t-il expliqué.

Il ne s'agit pas de consacrer la virgnitié comme un élément essentiel du consentement, comme on l'a lu ici ou là, mais plutôt de rappeler une jurisprudence constante qui interdit à un époux de mentir sur un élément jugé essentiel pour le conjoint. Maître Labbée, l'avocat du mari, a beau jeu de le dire en ces termes : "Il a dit: je ne peux pas faire confiance à quelqu'un qui, dès le départ, me ment. Comment voulez-vous construire une union durable sur un mensonge?"

Le procureur de la République de Lille lui-même, Philippe Lemaire, peu suspect d'archaïsme ou d'intégrisme, confirme, selon l'AFP"Le problème de la virginité "focalise un peu le débat, mais, selon ce magistrat, la question ce n'est pas la virginité, c'est la liaison qu'elle a eue avant et qui a été cachée." "C'est le mensonge qui motive la décision du juge", a souligné le procureur Lemaire."

Au final, la Justice est là pour appliquer la loi avec discernement, pas de trancher des débats de société et dire si oui ou non, une femme doit être vierge ou non en arrivant à la mosquée ou à l'église.

Evidemment, on peut regretter que cet homme-là n'ait pas dépassé sa déception et pardonné à celle qu'il était tout de même censé aimer. Mais le reste est, il faut le répéter, complètement hors de propos.

N.B. Je suis heureux de voir que les spécialistes du droit confirment de manière plus précise ce que j'ai écrit. A savoir que, comme le résume Jules de Diner's Room, "l'appréciation des "qualités essentielles" est subjective. Elle ne relève pas de la norme sociale telle que l'établit le juge, mais de ce qui, dans le for de la conscience de chacun des époux, à pu le conduire en mairie".

Publié dans Société

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L
Merci pour l'info! C'est fou le nombre de gens qui aiment souffler dans le sens du vent.
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H
Bonjour, je partage votre sentiment et vous invite à lire l'un des 4 articles que nous avons consacré au sujet et qui répond au propos du bâtonnier de Paris, qui s'est laissé emporté apparemment par la tempête médiatique. Cordialement.
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L
@VinceBonsoir! Notons toutefois que la virginité, chez les Chrétiens, n'est pas forcément envisagée de la même façon... Il n'y a pas d'histoire d'honneur, de drap ensanglanté... Et puis il y a diufférentes façons de voir la virginité. Ce peut très bien être une virginité à deux, l'un vis à vis de l'autre, sans être une virginité absolue...@fauqbcMerci de cette vision des choses! je ne crois pas que le débat soit inopportun, mais plutôt qu'il a été mal engagé, avec l'habituel concert d'indignations qui rend impossible la sérénité des échanges! totu est pipé d'avance...
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V
Cher chafouin,une petite réaction pour souligner mon total accord avec toi sur cette question. La qualité du débat public sur cette question est absolument consternante, et ce d'autant plus qu'elle est savamment entretenue par les hommes politiques de tout bord (car ici, l'indignation va de Le Pen à Buffet : il faut toujours se méfier de ces formes d'unanimité bien pensante et purement émotionnelle!). Evidemment, c'est une question complexe juridiquement mais le traitement médiatique est insupportable... Une fois de plus, les médias (notamment des radios comme Europe 1, France info et une partie des chaînes de télé que j'ai eu l'ocasion d'écouter ou de regarder) n'ont pas fait leur boulot alors que l'occasion était justement belle d'exercer un regard critique sur ce cirque politique insupportable!D'ailleurs, j'aurais aimé voir les réactions si l'annulation du mariage avait été demandée par un chrétien ou un juif ou un athée (car il ne s'agit en fait pas ici à strictement parler d'une question de religion mais de tradition culturelle...le Coran ne dit rien de tel, il faut le souligner) car oui, j'ai déja rencontré des chrétiens et des juifs pour qui la virginité de leur future femme (et la leur d'ailleurs, ne l'oublions pas même si la preuve est plus délicate...) était qqch d'essentiel au regard de leur foi et de leur tradition.  Je  suis intimement convaincu que le tollé médiatique n'aurait pas été le même...
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F
Je suis ce sujet depuis son apparition dans la blogosphère.Et je dois dire que dans l'ensemble ce sont les déclarations à l'emporte-pièce qui triomphent. Une preuve que l'opinion publique est loin de détenir la science infuse. Franchement je trouve ce débat inopportun quand on sait que le cadre juridique a été respecté dans le jugement de cette affaire. On assiste plutôt à une guerre contre la notion de virginité, ce qui est plutôt regrettable. De plus l'essentiel des intervenants dans ce débat n'ont pas réussi à se départir de leur vision albo-européenne du problème. Pour tout le monde c'est rétrograde, humiliant pour les femmes etc. Mais en islam, la virginité est une question de toute première importance. Le mariage en Afrique et en Orient concerne plus que les deux époux. Il est perçu comme une alliance entre deux familles et de ce fait, les mensonges ne sont pas pris à la légère. En général, il revient à la fiancée de dire toute la vérité à son futur conjoint avant que ne soient entamées les démarches de la célébration. N'allez pas croire qu'une majorité de filles sont vierges au mariage dans nos pays chauds, loin de là. Mais elles en avisent ceux qui s'intéressent à elles. Ce qui ne fut apparemment pas fait dans ce cas.Dans ce cas le mensonge est perçu comme une grave offense, pas uniquement de la part de la mariée mais surtout de sa famille. Ça peut paraître exagéré pour beaucoup d'entre vous, mais il en est ainsi. N'oubliez pas que dans certaines traditions de ces continents, il s'agissait d'un motif suffisant pour mettre à mort l'épousée et ses parents. Là j'ai plutôt le sentiment de voir de l'agitation gratuite dans l'opinion publique. Ce n'est pas une décision de justice qui ressoudera ce couple, la rupture est déjà consommée. Rendre un jugement dans le sens de celui souhaité par la majorité ne servirait à rien d'autre qu'à contenter les tenants de la polémique, mais je ne pense pas que ça suffira à faire évoluer les mentalités des concernés. C'est à mon sens trop facile de faire de la récupération militante, où de porter un jugement qui ne répond pas à l'échelle de valeur des concernés. C'est s'en prendre aux branches et non à la racine du problème.
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