Ils ne peuvent pas voter comme tout le monde, ces bouseux d'Irlandais?

Publié le par Le chafouin

Réactions attendues mais peu surprenantes (quoi que toujours amusantes) de la part des médias et du monde politique français, alors que les Irlandais sont aujourd'hui appelés aux urnes pour se prononcer sur le traité européen de Lisbonne :  comme on en a désormais l'habitude, il s'agit essentiellement de dire que le choix n'existe pas. Oui, ou zut!

Hé oui, à part voter oui, il n'y a pas d'alternative possible! Que ce soit clair : ceux qui pensent voter non sont au mieux des irresponsables et des crétins, qui n'ont pas compris tout ce que leur pays devait à l'Europe. Au pire, ce sont des nationalistes timorés qui ont peur des pays d'Europe de l'est. Re-cro-que-vil-lés sur eux-mêmes.

D'ailleurs, on le voit venir de loin, puisque pour certains, il n'y a même pas eu de débat, ni de campagne digne de ce non nom. C'est ça! Si les bouseux irlandais avaient été correctement informés, pour sûr, ils voteraient oui sans hésiter! Au moins, dans les autres pays, on a adopté une attitude responsable : faire voter les parlementaires, qui eux, au moins, ne sont pas de stupides citoyens.

Certes, il est incontestable qu'un non irlandais mettrait l'Union dans une fâcheuse posture, et la France en particulier, puisqu'elle doit en prendre bientôt la présidence, et qu'elle a particulièrement milité pour relancer l'intégration politique du continent. Pierre Catalan résume assez bien cette opinion : "le vote NON, en Irlande comme en France, s'accompagne d'un refus obstiné d'imaginer les conséquences d'un NON, quitte à jeter le bébé mais à tout de même garder l'eau du bain. Comme en France, la rhétorique est facile: "si on craint des conséquences si dramatiques, pourquoi passe-t-on par référendum?". Cette objection est évidemment une façon facile de passer à côté du sujet. Quand on vote, on doit toujours devoir se demander quelle est la portée de son acte. La démocratie implique un réflexion sur les conséquences de nos actes."

Entièrement d'accord avec lui. Le débat est clairement biaisé. Mais l'inverse fonctionne également: le oui, ça ne peut pas avoir de conséquences négative? Tope là, continuons comme avant, ne changeons rien, banco! J'entendais tout à l'heure Hervé Mariton, sur France Info, dire en filigrane que la campagne irlandaise avait au moins pour mérite de lancer une réflexion sur la distance trop grande entre les institutions européennes et les citoyens. Bien vu! Sauf qu'on pouvait dire ça dès Maastricht, et que depuis, pas grand-chose n'a changé...

On continue dans la même direction, on persiste par exemple à vouloir envisager de nouvelles adhésions avant même de penser à pousser plus avant l'intégration... Je trouve très joli ce qu'écrit Koz sur le rêve européen, et je ne suis pas loin d'adhérer à ses réflexions sur l'égoïsme de certains, qui n'adhèrent à l'Europe que tant qu'ils sont bénéficiaires.. Mais amorce-t-il un soupçon d'autocritique sur la manière dont l'Union est gouvernée? Sur son évolution, sur le fond? Au moins, on retrouve un semblant de début de prise de conscience chez Versac, s'exprimant sur Publius : "A trop prendre l'électeur pour un imbécile, tout en lui proposant de s'expliquer, on s'expose à ce genre de vent de refus, et à l'exploitation par des rois de la mauvaise foi de tout mouvement d'humeur populaire. Logique implacable."

Bien sûr. Tous les nonistes ne basent pas leur position sur un raisonnement construit. Loin de là. Mais est-ce pire que de clamer haut et fort des arguments aussi stupides que "l'Europe, c'est la paix" ?

Au final, je ne suis vraiment pas persuadé qu'un non puisse déboucher sur quoi que ce soit de positif. Mais est-ce que cela ne peut pas se transformer en un énième avertissement salutaire aux costards-cravate de Bruxelles, qui visiblement ne mettent jamais les pieds sur le terrain? Une façon de leur dire merde, après leur tentative de faire repasser en douce le même traité qu'en 2005? Cela peut se défendre, après tout... S'ils n'entendent pas, peut-être faut-il crier plus fort.

Publié dans Europe

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"Qu'ai-je, comme possibilité, pour faire entendre mon désaccord? Me présenter aux européennes, c'est ça que tu me proposes?"Eh, pourquoi pas ? Il y a un moment où, à force de voir s'enchaîner les événements consternants, on devient fataliste, ou bien l'on cherche à changer les choses. Et l'on se dit que l'on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même, qu'on pourrait peut être faire mieux.Je suis le premier à reconnaître que négocier quelque chose à 27 pays est extrèmement compliqué. Je suis d'accord pour dire que les derniers élargissements ont eu des résultats mitigés, et que vouloir encore augmenter le nombre de pays va dans le mauvais sens désormais. La question turque est d'ailleurs une bombe dont la mèche continue de bruler en permanence, et bon nombre sont ceux qui semblent heureux de préparer le suicide de l'Union Européenne sans en avoir conscience. Le traité de Lisbonne améliorait au moins les institutions pour les rendre plus efficaces à 27, et à les rendre un peu plus démocratique. Comment les politiciens/technocrates de Bruxelles/qui tu veux peuvent comprendre la signification de ton vote lorsqu'il est noyé avec des messages qui disent tout et son contraire ? Entre Mélanchon et de Villiers, rien à voir. Les non français, hollandais et irlandais n'ont pas eu les mêmes raisons. Ton non "positif" n'a aucune chance d'être compris, et il jette en l'air une possibilité d'amélioration.Rationnellement, tu pouvais avoir la certitude que ton message, aussi fin soit-il, ne donnerait rien. C'est pour cela que, à mon humble avis, le vote "non" ne se justifiait pas pour ceux qui souhaitent une construction européenne. Mais le libre arbitre, c'est aussi de pouvoir prendre les mauvaises décisions, tant qu'on est prêt à en assumer les conséquences après, pour rebondir sur une autre discussion.Si tu ne veux pas te présenter aux européennes, je te propose déjà cette initiative : http://www.quel-est-votre-candidat.eu/, que j'apprécie beaucoup. Le message à faire passer est de demander que les européennes se fassent autour d'un enjeu, la commission européenne justement. Un vrai débat, un vrai mandat pour plus de démocratie.  Mais tu peux aussi rendre visite à ton député pour lui expliquer ta manière de penser, on oublie souvent cette possibilité.
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L
Cher XerbiasJe comprends bien le problème que pose le non. J'ai moi même beaucoup hésité à voter non en 2005. Voter non ne change rien, et empire la situation. Mais qui puis-je, si on n'entend pas ce que mon non à moi signifie? Suis-je vraiment responsable du désatsre, si je n'ai d'autre choix que de dire "merde"?Qu'y puis-je, si on l'interprète comme un vote souverainiste ou fasciste, come un vote antilibéral ou antiavortement, alors qu'il s'agit au contraire d'un vote positif?Comprenons-nous bien. Je suis prête à reconnaître que le traité de lisbonne, tout comme le TCE, facilitent la vie des institutions, les rapports entre les Etats. Mais le fond, lui, reste le même : les équilibres ne changent qu'à la marge. La commission (un organe coopté, je le rappelle, d'après des critères plus que flous) garde l'essentiel des pouvoirs, ce qui me pose personnellment un grave problème de conscience.Qu'ai-je, comme possibilité, pour faire entendre mon désaccord? Me présenter aux européennes, c'est ça que tu me proposes?Mais je n'ai pas fini : il y a aussi ces histoires d'élargissemtn sans fin. ON ne sait pastrop ce qu'on veut faire, mais on invite plein d'autres pays pour donner leur avis. Comme ça, quand on sera 40, ce sera plus simple pour discuter.Et encore je ne parle pas de l'absence totalement surréaliste, sur la scène politique, de ceux qui prennent les décisions essentielles, à savoir nos amies les institutions européennes. Poursquoi on ne les voitpas sur le terrain, en train d'expliquer aux pêcheurs pourquoi on ne leur baissera pas leurs taxes? Pourquoi laissent-elles les pouvoirs publics nationaux faire le sale travail?Moi, désolé, je ne vois pas d'autre choix que le bulletin "non" pour m'opposer à cette mascarade. Et je ne parle même pas d'économie, en disant cela! C'est juste que je ne veut pas d'un machin non démocratique. ET pourtant, je te rassure, je vais voter à chaque élection européenne. Mais je préférerais nettement, tu vois, des partis européens plut^to que des capagnes nationales pour strasbourg!
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X
"S'ils n'entendent pas, peut-être faut-il crier plus fort."Entendre quoi ? Qu'il vaut mieux en rester au traité de Nice ? Si les gens votent non car l'Union Européenne n'est pas assez démocratique, c'est ballot, parce que le TCE et le traité de Lisbonne allaient dans le sens de cette démocratie renforcée, notamment en renforçant le rôle du Parlement Européen. Et pourquoi les Irlandais voteraient car on ne leur laisseraient pas le choix, alors qu'ils l'ont eu ?Je note en outre qu'à chaque refus, il n'y a pas d'amélioration quelconque, mais à chaque fois un recul. Le TCE et le traité de Lisbonne ne sont pas identiques, le deuxième étant considérablement moins bien que le premier, mais toujours meilleur que celui de Nice. Ce n'est pas en maintenant les institutions actuelles que l'on a la moindre chance de les voir changer, et c'est pourtant ce que les nonistes veulent.Le seul message logique de ces votes, celui qui répond à la question, est que les citoyens ne veulent pas de l'Union Européenne. Dès lors, il n'est pas si étonnant que certains rappellent à ceux qui semblent l'avoir oublié, que oui, l'Europe permet la paix. J'ai également une petite pensée pour tous ceux qui reprocheraient à l'Europe d'être éloignée et qui ne vont pas voter aux élections européennes, ne se sentant pas concernés. Une belle contradiction : pour se réapproprier l'Europe, il faudrait commencer par être citoyen. Enfin, et dans la même veine, ceux qui veulent envoyer des messages aux personnalités politiques disposent d'une possibilitée à laquelle tout le monde ne pense pas : y aller, se présenter, et voir si on peut faire du meilleur boulot. Ce n'est pas impossible, mais ça donne de l'humilité quand même.
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L
@GeabulekC'est ce que je voulais vous entendre dire... On est parfaitemetn d'accord. Mon billet n'avait pas pour but de dire que si l'Irlande vote non, c'est pour de bonnes raisons, mais plutôt de m'amuser sur le traitement de l'affaire par les médias français. D'ailleurs, je lis sur votre blog que vous n'en êtes pas non plus satisfait!
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G
@u chafouin : Par mauvais critère il fut entendre critère qui n'est pas en jeu. Pour exagérer, c'est quelque chose du type : si vous votez non, l'Europe va envahir le monde et mener une politique coloniale (déjà entendu)Après voter Oui parce que l'Europe c'est bien n'est pas un meilleur critère, je vous l'accorde.
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