Le copinage, et alors?

Quelle affaire! Le jardin de la villa corse de Christian Clavier, grand copain de Nicolas Sarkozy, occupée sans heurts, samedi par des nationalistes. Le patron des forces de sécurité de l'île, lui, est viré pour n'avoir pas empêché cet événement de se produire, alors qu'il en avait connaissance.
Inutile de crier au scandale ou à l'affaire d'Etat, comme s'escriment à le faire quelques socialistes, décidément bien à la peine, ou François Bayrou, qui saute sur la moindre occasion de faire parler de lui autrement que pour les défections à son parti. On pourrait encore s'en étonner, jouer aux vierges effarouchées, se dire que dans un Etat démocratique, le copinage et les renvois d'ascenseur n'existent pas : que c'est un régime pur et parfait, puisqu'on l'a appris en cours d'éducation civique.
Sauf qu'on en vit pas en démocratie. Que la démocratie, d'ailleurs, n'existe pas. Et que ce faisant, il est illusoire d'espérer que des hommes dotés du pouvoir n'en profitent pas, même si on pourrait légitimement l'espérer. Ne rêvons pas.
Ceci étant dit, il est assez comique de lire ou d'entendre les arguments de ceux qui osent affirmer que ce limogeage est sans rapport avec les liens existant entre l'acteur et le président.
Au premier rang desquels je citerais ce cher Authueil, repris par Luc Mandret (dont l'évolution politique pose question): "notre président a suffisamment de sens politique pour anticiper l'effet désastreux d'un limogeage qui serait uniquement motivé par ses liens amicaux avec Christian Clavier".
Sens politique, Sarkozy? Il a eu, certes, le sens politique de ne pas aller dîner au Fouquet's le soir de sa victoire. De ne pas passer ses premières vacances sur un yacht luxueux. Sarkozy, c'est l'image de celui qui assume. Qui fait, et ensuite qui ne dément pas, quitte à être éreinté durement par la critique. Donc en terme d'anticipation, pas sûr qu'il soit le meilleur exemple. Certes, il donne le sentiment de tout gérer, de tout prévoir en terme de communication, mais ce n'est souvent qu'un leurre : combien de polémiques auraient été évitées, depuis mai 2007, si ce "sens politique" était réel? Et puis, limoger un haut fonctionnaire pour si peu dans une île où les villas sautent...
Mais le plus comique sur ce sujet, c'est assurément le porte-parole du ministère de l'Intérieur, qui s'obstine à revendiquer la paternité de ce limogeage. Hier sur France Info, ce communicant assurait en substance que "partout, pas seulement en Corse et pas seulement en ce qui concerne Christian Clavier, une telle sanction aurait été prise". Ah bon. Partout. Pour toute "légèreté similaire". La meilleure de l'année. Et quand les pêcheurs cassent tout dans un supermarché, que José Bové détruit un Mc Do ou un champ d'OGM, qu'une manif tourne mal, les préfets de police, pourtant toujours remarquablement renseignés, sont-ils remerciés?