Martine Aubry tombe à son tour dans le panneau de l'antisarkozysme primaire

Publié le par Le chafouin

Martine Aubry tente-t-elle le tout pour le tout pour arracher le soutien des signataires de la motion de Benoît Hamon, qui faisait jadis partie de ses proches du club Réformer avant de la tacler sévèrement récemment? Alors qu'elle s'était toujours gardée de manquer de nuance, Martine Aubry a fini elle-aussi par succomber aux sirènes de l'antisarkozysme primaire. La prise du PS doit-elle passer par une radicalisation de l'opposition?

Décidément, la course à la prise de contrôle de la rue de Solférino amène à bien des compromissions, bien des retournements de veste, bien des arrangements entre amis totalement opposés aux idéaux martelés par la gauche. Sans compter les coups bas et les phrases acides. On se croirait dans un roman de Mauriac. Même les left-blogs en viennent à se battre entre eux, il suffit de jeter un oeil de temps à autre sur twitter... C'est le grand déballage, on ne sait plus où chacun habite. Le flottement est là, et on se demande comment tout ceci va se terminer.

En ce qui concerne Martine Aubry - il faut enfin que je termine de lire sa motion, que diable - j'ai toujours eu une forme de respect pour sa détermination et le boulot qu'elle abat sur Lille, en dépit de l'impression désastreuse qu'elle a laissée au sujet des 35 heures. Elle me semble beaucoup plus épaisse que Ségolène Royal ou Bertrand Delanoë au niveau des idées. Elle n'est cependant pas exempte de critique et on constate qu'à Lille, elle mène une politique assez autoritaire, avec une démocratie participative proche du néant, et des méthodes de communication qui n'ont rien à envier à celles de Nicolas Sarkozy. Mais elle avait au moins eu le mérite, depuis 2007 et à l'instar du maire de Paris, d'éviter de tomber dans la critique facile et systématique de la politique gouvernementale. Cette posture démagogique qu'ont choisie Bayrou et Royal.

Mais voilà que la maire de Lille, également présidente de la communauté urbaine, s'y met elle-aussi. Au cours d'une opération de soutien aux postiers, qui grognent contre les projets de privatisation de leur groupe, elle a déclaré ceci, hier en commentaire du discours de Nicolas Sarkozy au sujet de la crise financière mondiale : "Depuis un an et demi, il dérègle tout. Il a baissé les impôts pour les plus riches, fait reculer les protections pour les plus pauvres. Les résultats sont là aujourd'hui, c'est la récession et le chômage augmente. Bon, et maintenant, il voudrait nous faire croire que tout cela est dû à une crise qu'il ne pouvait pas prévoir... (...) C'est grave ce qu'il se passe aujourd'hui parce qu'en France, avec ce genre de politique libérale qu'il continue de mener, il nous conduit droit dans le mur, et les conséquences de la crise financière seront certainement beaucoup plus lourdes ici pour tous les Français, qu'ailleurs".

On pourrait déjà s'arrêter sur le début de la phrase et sur les "impôts pour les plus riches", qui est un mensonge pur et simple, aujourd'hui considéré comme acquis grâce à un pilonnage massif des socialistes, qui ont réussi à imposer dans l'opinion l'idée selon laquelle Sarkozy a utilisé toute sa marge de manoeuvre  budgétaire pour contenter les plus riches. C'est une stupidité sans nom : les heures supplémentaires, ce n'est pas pour les plus riches. Les taxes sur les héritages, ce n'est pas pour les plus riches. Je ne dis pour autant que le "paquet fiscal" soit une panacée, tant il semble évident que le "coup de fouet" attendu sur l'économie ne s'est pas produit. Mais il faudrait veiller à ne pas raconter des sornettes quand on prétend aux responsabilités extra-locales. Et arrêter avec cette fatigante lutte des classes, et ce sempiternel "les riches sont les méchants" qui se cache derrière.

Mais surtout, oser affirmer que la politique sarkozyste est responsable du marasme économique actuel, qui est mondial, suppose un fameux toupet. Et la chute d'AIG, de Lehman Brothers, c'est de sa faute, aussi? Et la pluie à Lille, tant qu'on y est?

Dire que Nicolas Sarkozy n'a pas répondu à la question posée, que les parachutes en or n'ont rien à voir avec le sujet qui nous préoccupe, oui. On peut le dire. Asséner que non, la refonte du système institutionnel n'a que peu de chance de relancer la croissance. sans doute, on peut l'admettre. Conclure que le président cherche à cacher son impuissance derrière des coups de trompettes et des grandes phrases sans lendemain, pourquoi pas. Mais clamer, au sujet de la récession qui menace, qu' "il voudrait nous faire croire que tout cela est dû à une crise qu'il ne pouvait pas prévoir", en affirmant que la France est plus touchée que les autres qui eux, grâce à leur politique sociale et aubryste, s'en sortent, non!

Cela jette un sérieux doute sur l'honnêteté intellectuelle de Martine Aubry, sur sa capacité à tenir le rôle de première opposante du pays, et à terme sur son aptitude à diriger un pays. Que ce genre de discours fasse plaisir aux postiers et envoie un clin d'oeil à la gauche du parti, sous fond de montée de Besancenot et ses amis de l'archaïque NPA, c'est une chose... Mais cette surenchère irrationnelle n'annonce rien de bon en ce qui concerne l'avenir du parti socialiste... On peut lui prédire une bonne sieste jusqu'en 2017, au mieux.

La gauche est-elle contrainte, pour exister, de se positionner "contre" celui qui aux commandes, en des termes aussi primaires et peu constructifs?

Publié dans Politique

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L
@aymerictu veux sans douter parler du dogmatisme, de l'idéologie, propre au militantisme...Aujourd'hui, le problème est surtout qu'on agite Sarkozy comme un repoussoir. Je suis très déçu que martine tombe là dedans. La facilité, comme tu dis si bien... Mais ce n'est pas un programme. Et j'attends celui d'Aubry. Et entre nous, je ne vois pas comment elle pourrait diriger la France, alors qu'elle met dix ans à ériger un stade pour le Losc ;)@ElyasVoilà le retour d'Elyas! Je ne peux que m'en réjouir. On peut aussi compter aubry dans la liste que tu (vous) dresse.Ceci dit il y a aussi de la place pour l'idéologie au niveau local. Mais je suis étonné de voir qu'à Lille, par exemple, Aubry se démène pas mal pour ramener des entreprises. Là, elle ne bave pas sur "les riches" ;)Bertrand Delaonë, à ce titre, me paraît un peu plus constant dans ses idées.Mais il est vrai que la geston locale convient de fait très bien aux socialistes. Ils s'en sortent très bien.
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E
C'est vrai qu'il est amusant de remarquer à quel point nombre de socialistes se débrouillent bien, voire très bien sur le "terrain", et rassemblent au niveau local de façon large, y compris parmi des gens de droite. Il en est de même à Lyon par exemple, avec Gérard Collomb, ou peut-être Delanoé à Paris (dans une moindre mesure).Au niveau de leur ville, ils savent faire du bon boulot, c'est indéniable...Peut être est-ce lié au fait que la politique locale est moins affaire d'idéologie et plus de pragmatisme, et que les mesures à mettre en place sont d'un autre ordre : mettre en place des vélos gratuits, organiser des Biennales de la Dance et autres manifestations culuturelles, c'est très bien à l'échelle d'une ville, un peu moins prioritaire à l'échelle du pays...
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A
Le problème avec les militants de gauche (pour les autres aussi d'ailleurs), c'est que le monde dans lequel ils vivent est devenu bien trop compliqué pour eux.On peut prendre pour exemple quelques mécanismes dits de "solidarité" installés par la gauche, tels que certains minimas sociaux (le RMI tiens), qui au fil du temps ont déployé des effets pervers incroyables au point qu'ils en venaient à avoir les conséquences inverses de celles qui étaient recherchées : maintenir les gens dans la pauvreté au lieu de les en sortir.Pour les socialistes, la meilleure méthode aurait été de s'imposer en tant que pédagogues, et d'expliquer à leurs électeurs le monde qui les entoure, et de proposer en conséquence une politique plus adaptée. Mais ce n'est pas la voie qui a été choisie au parti socialiste. Non, ils ont pris l'autre voie, celle de la facilité qui consiste à simplifier les choses au maximum.Ils se sont alors mis à recenser un petit nombre de causes pré-établies (mondialisation, capitalisme, libéralisme, nicolas sarkozy) qui ont été affublées de tous les maux. Quand une personne et trois phénomènes suffisent à expliquer tout ce qui ne va pas, faire semblant de faire de la politique paraît tout de suite plus aisé...
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