Pourquoi il faut reconnaître le génocide vendéen
Un de mes indics préférés me rapporte l'existence d'un excellent article d'Yvan Rioufol (une fois n'est pas coutume...) sur la mémoire du génocide vendéen. Si ce génocide fait peu de doutes, il n'est pas certain qu'une reconnaissance par la loi soit nécessaire. Mais quand la République française reconnaîtra-t-elle ses crimes, elle qui se targue de donner des leçons au moinde entier?
Balayer devant sa porte : une attitude qui honorerait la France, coupable de nombreuses exactions pendant la Révolution française, et qui se permet de donner des leçons aux Turcs tout en étant totalement amnésique de son propre passé. Parmi elles, les souffrances imposées à la Vendée font partie des plus symboliques. Non pas qu'il faille sous-estimer les autres répressions (A Lyon par exemple, où Fouché commit des horreurs sans nom). Mais en Vendée, un plan systématique d'élimination, de destruction a été envisagé, théorisé, et mis en pratique. Comment peut-on l'occulter, deux cent ans après?
Des preuves historiques existent de cette volonté d'extermination, dans des textes de loi votés par la Convention (1er août et 1er octobre 1793) mais également dans les correspondances entre les généraux de l'armée républicaine et les chefs politiques de cette époque (1793-1794). Comment peut-on l'occulter, deux cent ans après? Rappelons que l'article L211-1 du code pénal définit le génocide comme étant « le fait, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l’encontre de membres de ce groupe, l’un des actes suivants : atteinte volontaire à la vie ; atteinte grave à l’intégrité physique ou psychique ; soumission à des conditions d’existence de nature à entraîner la destruction totale ou partielle du groupe ; mesures visant à entraver les naissances ; transfert forcé d’enfants. »
Voici ce qu'en dit Jean Tulard, co-auteur du Livre noir de la Révolution française :
Le génocide vendéen a bien été planifié comme le montre lumineusement Reynald Secher. Première étape : une guerre civile qui débute en mars 1793 et qui s’achève sur la défaite des Vendéens à Savenay en décembre. Guerre atroce mais équilibrée. La victoire des bleus est suivie par la mise en place d’un système d’anéantissement de la Vendée. Pas question de pardon après la défaite. L’alerte a été trop chaude. De là, selon un rapport présenté à la Convention, l’idée qu’il n’y aura « moyen de ramener le calme dans ce pays qu’en en faisant sortir tout ce qui n’est pas coupable, en exterminant le reste, et en le remplaçant le plus tôt possible par des républicains qui défendront leurs foyers ».
Conception reprise par Barère, “l’ondoyant Barère”, qui perd son sang-froid : « Détruisez la Vendée ! » Général en chef de l’armée de l’Ouest, Turreau confirme : « La Vendée doit être un cimetière national. » De là les innombrables scènes d’horreur décrites par Secher : il faut empêcher les Vendéens de se reproduire, donc, tuer également les femmes et y ajouter les enfants en passe de devenir de « futurs brigands ». Carrier, l’homme des noyades de Nantes, s’exclame : « Qu’on ne vienne pas nous parler d’humanité envers ces féroces Vendéens ; ils doivent tous être exterminés. » Il n’est pas jusqu’au nom de Vendée qui ne soit rayé de la carte : il y aura désormais un département Vengé. C’est l’extermination totale, un « populicide », écrit Gracchus Babeuf lui-même : un génocide.
Au moment où ces mesures sont mises en place, la Vendée est déjà exhangue, prête à se soumettre. Son armée a été détruite, anéantie. Les soldats qui demeurent en Vendée, comme ceux de Charette ou Stofflet, sont constituées de vagues bandes qui ne représentent plus de danger, et passent plus de temps à chercher à échapper aux "Bleus" qu'à mener de véritables actions militaires. Et malgré cela, les sinistres Colonnes infernales seront montées, avec comme ambition affichée de ratisser la Vendée, pour tuer hommes, femmes, enfants, bétail, et ainsi détruire ce terrritoire rebelle. Républicains y compris. On exterminera des villages entiers, comme aux Lucs-sur-Boulogne, qui n'a rien à envier à Oradour mais est inconnu de tous. A Nantes, on coulera des bateaux remplis de Vendéens attachés. On brûlera même des paysans dans des fours. On tannera leur peau. On a ici le détail de toutes les horreurs qui ont été commises au nom de la République.
Pourquoi ces colonnes n'atteindront-elles pas leur objectif? Pourquoi seront-elles suspendues? Pas par humanité, mais parce qu'elles étaient contre-productives : le général Lazare Hoche, nommé chef des armées républicaines, comprendra que ces meurtres en font que raviver les blessures vendéennes, et que chaque massacre fournit des troupes nouvelles aux armées dites royalistes. "Dites", parce qu'en réalité, ces paysans étaient plus soucieux de défendre leur indépendance, leur religion, leurs coutumes, qu'un roi dont ils ignoraient tout. Ils préféraient Louis XVI, parce que la royauté les respectait et ne tuait pas leurs curés.
Une proposition de loi avait été déposée en 2007 puis début 2008 pour reconnaître ce génocide, initiée par Lionel Lucca et Hervé de Charette. Lisez-là, elle contient un tas d'informations précieuses sur ce sujet, et le résume admirablement. Elle se conclue ainsi : "La République sera d’autant plus forte qu’elle saura reconnaître ses faiblesses, ses erreurs et ses fautes. Elle ne peut continuer de taire ce qui est une tâche dans son histoire. Elle doit pour cela reconnaître le génocide vendéen de 1793-1794, et témoigner à cette région – qui dépasse l’actuel département de la Vendée – dont la population a été victime de cette extermination, sa compassion et sa reconnaissance pour avoir surmonté sa douleur et sa vengeance en lui donnant des hommes aussi prestigieux que Georges Clemenceau ou Jean de Lattre de Tassigny qui servirent la Patrie et défendirent la République."
Une loi est-elle absolument nécessaire? Pas sûr, surtout au moment où le parlement se prononce contre les lois mémorielles. Mais une simple résolution? Une prise de parole officielle? Ce serait justice, pour réparer ce que Pierre Péan appelle la "Blessure française", dans un livre que je compte me procurer aussi vite que possible.