Quand les forces de l'ordre se croient tout permis
J'avoue avoir changé d'avis sur cette intrusion de gendarmes dans un collège du Gers, le 19 novembre dernier, en vue d'un contrôle anti-drogues, qui a entraîné une mobilisation importante des parents d'élèves.
Car à première vue, sans avoir pris connaissance des faits exacts (France Info, c'est bien mais c'est court), j'y voyais au départ une vague polémique anti-flics, agitée par les professeurs qui ne veulent pas voir d'uniformes dans les écoles. Il faut avouer que c'est bien ce que laisse penser le communiqué de la FSU : plus que la manière dont s'est passée le contrôle, c'est bien son principe qu'on condamne, avec un fond d'antisarkozysme. Mathieu L. use de pédagogie pour arriver à la même conclusion : "Les grandes démonstrations de force n'ont que peu d'impact finalement, et font plus de mal qu'autre chose". Bref, hormis des interventions d'urgence, les policiers et gendarmes doivent se contenter de la prévention selon lui.
Or au contraire, les forces de l'ordre peuvent très bien pénétrer dans un établissement scolaire pour y réaliser des contrôles, y compris avec des chiens : on sait très bien que ces lieux sont parfois le théâtre de trafics en tous genre. La force publique doit pouvoir aller partout, et Michèle Alliot-Marie comme le parquet local font bien de le rappeler. L'intervention est légale en soi : elle peut aussi "marquer" les esprits et montrer que l'école n'est pas un endroit où on peut être au-dessus des lois.
Mais il y a contrôle et contrôle. On voit bien, à travers les différents témoignages exprimés au sujet de ce qu'on peut appeler un dérapage, qu'en l'espèce, la manière fait plus que poser question.
Zoé, 14 ans, dont le témoignage, diffusé par son père, a permis de révéler l'affaire, a fait partie des élèves qui ont été emmenés en-dehors de leur classe après que le chien a "marqué" sur son sac. Que dit-elle? "Un gendarme à terre disséquait mes stylos, un autre le surveillait, un autre qui regardait la fouilleuse qui me fouillait et le reste de la troupe dehors. Ne trouvant rien dans ma veste, elle me fit enlever mes chaussures et déplier mes ourlets de pantalon. Elle cherche dans mes chaussettes et mes chaussures. Le gars qui nous regardait, dit à l’intention de l’autre gendarme: « On dirait qu’elle n’a pas de hash mais avec sa tête mieux vaut très bien vérifier! On ne sait jamais… » Ils ont souri et la fouilleuse chercha de plus belle! Elle cherche dans les replis de mon pantalon, dans les doublures de mon tee shirt sans bien sûr rien trouver. Elle fouilla alors dans mon soutif et chercha en passant ses mains sur ma culotte! Les gendarmes n’exprimèrent aucune surprise face à ce geste mais ce ne fut pas mon cas!!!!!! Je dis à l’intention de tous « C’est bon arrêtez, je n’ai rien!!!! » La fouilleuse s’est arrêtée, j’ai remis mon sweat et mon fouilleur de sac m’a dit: « tu peux ranger! »."
Cette affaire illustre un problème de fond de la police et de la gendarmerie, cette dernière étant pourtant réputée plus proche de la population : de plus en plus, et de façon inversement proportionnelle aux insultes qu'ils subissent et aux difficultés grandissantes inhérentes à leur métier, les forces de l'ordre se croient tout permis. Le tutoiement est généralisé. On "provoque" les individus pour les titiller. On ne s'embarrasse pas de courtoisie, et c'est un euphémisme. On humilie volontiers, à la tête du client. Et si au final, le contrevenant ou le passant s'énerve, il sera poursuivi pour outrage... Facile!
Il serait temps, non pas de modifier la procédure pénale, comme le pouvoir central est tenté de le faire, mais plutôt de calmer un peu les agents de la force publique. Cela passe aussi, et surtout, par une modification de la politique sécuritaire actuelle, orientée vers le tout-répressif, la politique du chiffre et la réduction des effectifs de police et de gendarmerie.
Ci-dessous, le témoignage édifiant d'un prof de ce collège, trouvée chez Rubin Sfadj :
RECTIFICATIF : il semble en réalité que le témoignage de ce professeur ne s'applique pas à l'intervention de Marciac mais à celle d'Auch, dans le même département du Gers, où les gendarmes sont intervenus quelques jours plus tôt dans un CFA. C'est ce témoignage qui a amené un colonel de gendarmerie à effectuer un démenti sur le blog Secret Défense. Pfiooooou!