L'affaire de Filippis est-elle vraiment une affaire?

Publié le par Le chafouin

Je souscris pleinement à ce qu'on a pu lire chez Authueil, Elmone ou Nicolas J au sujet de cet ancien rédacteur en chef  de Libération, Vittorio de Filippis, qui a été visé par un mandat d'amener et qui a fait l'objet d'une fouille au corps pour une simple affaire de diffamation.

On en fait beaucoup trop sur une affaire qui n'aurait ému personne s'il s'était agi de quelqu'un d'autre qu'un journaliste. Le déluge de commentaires, jusqu'au plus haut niveau de l'Etat, n'est-il pas totalement disproportionné? On semble découvrir les fouilles à corps. Les corporatismes moutonniers persistent pourtant à croire qu'une convocation devant un juge d'instruction est une affaire d'Etat. S'ils pensent qu'un juge obéit à Nicolas Sarkozy, que peut-on pour eux?

Le débat ne doit pas se situer sur le terrain de la liberté de la presse, ou sur le point de savoir si la diffamation doit relever du pénal ou non : ce n'est tout simplement pas le sujet. Le sujet, ce n'est pas non plus la brutalité, dénoncée par nos bienpensants, des policiers, qui n'ont fait qu'appliquer la loi (en-dehors de quelques détails). Cessons de penser que la presse est opprimée par le pouvoir (qui passe, pendant que la presse reste) ou que la dictature est proche. Cessons de crier inutilement au loup.

Que lit-on par exemple sur cet appel à manifester cet après-midi devant le palais de justice de Paris, lancé par les principaux syndicats de journalistes? "Cette nouvelle atteinte à la liberté de la presse constitue une suite logique des propos tenus depuis plus d’un an par les hautes autorités de l’Etat et des réformes engagées ou envisagées. Elle ne présage rien de bon pour la démocratie et les citoyens"

Cette réaction n'est-elle tout simplement totalement à côté de la plaque ?

D'autant que lorsqu'on lit la version des policiers présents ce jour-là, qui a été publiée par Le Point, on n'a pas le même sentiment de désapprobation et de gêne qui nous animait après avoir lu le récit de Vittorio de Filippis. Déjà, on peut s'étonner du fait que ce monsieur ne se présente pas aux convocations d'un juge d'instruction. Quand on est bien élevé et qu'on n'a rien à se reprocher, on se déplace pour se voir signifier sa mise en examen, quand bien même elle serait symbolique. La justification selon laquelle le journaliste n'aurait pas reçu le courrier est amusante, mais à vrai dire invraisemblable.

Ensuite, on s'aperçoit que les policiers démentent l'avoir insulté et menotté devant son fils. Ils assurent avoir été courtois et prétendent au contraire que c'est M. De Filippis qui a été désobligeant et méprisant à leur encontre : "M. de Fillipis était très agité, en colère, parlant fort et gesticulant dans le hall en nous accusant d'avoir des méthodes du Far West et d'être des cow-boys, ajoutant qu'il était patron de journal." Un témoignage qui contredit celui du journaliste, qui assurait n'avoir fait mention de sa qualité de journaliste qu'une fois arrivé au Palais de Justice.

Alors, peut-on vraiment parler d'une affaire Filippis?

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P
@touche pas à ............Un petit peu comme l'ensemble de mon post plus que légèrement teinté d'humour, "manipulations" est en relation (intime!) avec la fouille.C'est pour cela que je l'ai écrit avec un "s".Quant au premier "manipulation" (celui-là sans "s"), il se rapproche d'intoxication, de manoeuvre, je n'oserais dire "tripotage". Ce terme porterait de nouveau à confusion!Quoique !
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T
@Philippe KREMEURQui a parlé de manipulations ?@Le ChafouinSur la disproportion. Je pense qu'on ne doit pas traiter tous les suspects de la même façon. Un braqueur présumé, on doit le menotter. Le roi de la belle ? Pourquoi pas une fouille à corps. D'ailleurs, c'est ce que dit le Code de procédure pénale : tout est question de proportion et d'équilibre entre l'infraction reprochée et les moyens à employer. Vous dîtes que tout le monde est égal devant la loi : c'est juste et parler de proportion n'est pas contradictoire avec ce principe.Sur la dépénalisation de la diffamation. Je ne sais pas. En tout cas, ce n'est pas là où se situe le fond du problème.Sur le corporatisme, je suis d'accord avec vous, il y a forcément de cela. Libé est quand même libre d'en faire beaucoup et les lecteurs libres de ne pas l'acheter. Les autres médias auraient pu en faire moins ou, au contraire, approfondir le sujet. Si ça peut nous mettre d'accord, disons que l'emballement médiatique s'accompagne trop souvent d'absence d'investigations. Mais ces investigations viendront, on finira par connaître une vérité (à défaut de LA vérité). Pitié, ne tirez pas tous à boulets rouges sur les journalistes !Et derrière, c'est "les notables peuvent être traités comme les bouseux, quelle horreur". Franchement, je ne crois pas. Attention au procès d'intention.Enfin, sur la violation de la liberté de la presse, c'est vrai, c'est inexact et exagéré. Certains journalistes seraient bien inspirés de se souvenir qu'ils jouissent de cette liberté et être un peu plus subversifs (n'est-ce pas Laurent Joffrin ?) Mais là, c'est un autre débat.
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L
@touchepasàmonrectumJe pense que les policiers du dépôt du tribunal ne sont pas les mêmes que ceux qui sont venus le chercher chez lui.On est d'accord sur la disproportion. Mais où commencet-elle? Doit-on traiter les braqueurs différemment des violeurs? Les violeurs différemment d'un voleur à l'arraché? Et le voleur à l'arraché différemment d'un diffameur? Vaste débat. Moi je me dis que tout le monde doit être égal devant la loi. Après, la solution est peut-être en effet la dépénalisation de la diffamation.Sur les convocations, je n'en sais rien, je trouve juste que c'est intéressant à souligner : trois convocations laissées sans réponse, ça en fait beaucoup de perdues dans la nature.enfin, non, je ne trouve pas qu'il soit excessif de parler de corporatisme. Les erreurs de procédure ne font jamais ou rarement la une de Libé. Et la chronique judiciaire est un tout petit article de rien. Là, on a un emballement médiatique du type "oh zut, ça aurait pu nous arriver aussi, c'est scandaleux!"Et derrière, c'est "les notables peuvent être traités comme les bouseux, quelle horreur".Tous ceux qui récusent ce corporatisme, ici, oublient de tenir compte du communiqué de presse des syndicats que je cite, où il est fait état de violations de la liberté de la presse. Or cette affaire, c'est tout sauf ça!
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P
@Touche pas à mon rectumManipulation? Manipulations ?Nota bene: à prendre au sens figuré, pas au propre, bien entendu!Quoiqu'à cet endroit-là !
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T
Ajout, inspiré par quelques commentaires fleuris anti-journaleux sur ce blog et d'autres blogs (comme celui d'Autheuil) : dire que cette affaire est une simple réaction corporatiste est un résumé malhonnête. Lisez les chroniques judiciaires des journaux, lisez certains faits-divers : vous y trouverez des articles sur les erreurs de procédures dont a été victime tel petit dealer (relevées par son brillant avocat), des présumées violences policières contre tel autre. Le premier article de Libération souffre d'un défaut : il y manque le contradictoire. Mais n'allez pas dire que les journaux ne s'offusquent que des injustices qui toucheraient des journalistes.
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