Euthanasie : Sarko-Ségo-Bayrou l'ouvrent pour ne rien dire
Le débat sur l'euthanasie est sans nul doute beaucoup plus important pour l'avenir de notre pays que la question de l'économie, du chômage ou de l'agriculture. Et pourtant, silence dans les rangs. On en parle que pour ne rien dire.
Pendant que les candidats restent étonnamment hypocritement silencieux sur la question, le lobby pro-euthanasie avance lentement mais sûrement. Dans le Nouvel Observateur de cette semaine, 2134 infirmiers et médecins affirment avoir pratiqué l'euthanasie active (ils ont tué des patients qui l'avaient ou non demandé, ça, l'histoire ne le dit pas) et réclament que l'Etat légalise leur geste en reconnaissant enfin l'euthanasie.
Face à un tel aveu (ces soignants admettent avoir violé la loi pour la forcer, tout simplement), que disent les candidats? Ils se contentent de banalités pour ne choquer personne.
Qu'a dit Nicolas Sarkozy?
"Les principes, je les respecte, les convictions, je les respecte. Mais je me dis quand même, au fond de moi, il y a des limites à la souffrance qu'on impose à un être humain (...) On ne peut pas rester les bras ballants devant la souffrance d'un de nos compatriotes qui appelle à ce que ça se termine" (La Mutualité, 11 février) : Sarkozy ne dit rien. Tout le monde est contre la souffrance, et tout le monde voudrait ne pas rester les bras ballants face à l'appel de quelqu'un qui souffre.
Qu'a dit Ségolène Royal?
"Je crois que dans le respect des personnes, il faut faire ce qu'ont fait d'autres pays européens, ouvrir le débat et mettre en place une législation qui permette d'apaiser les souffrances les plus intolérables" (TF1, 19 février). Elle est déjà plus honnête. Il faut ouvrir le débat. Elle est favorable à l'euthanasie mais la définit comme "apaiser les souffrances les plus intolérables", ce qui ne veut RIEN dire!!
Qu'a dit François Bayrou?
"Je suis pour que l'on ne laisse pas souffrir les gens et que l'on ne prolonge pas inutilement leur vie (...) Lorsque l'on est au bout du bout, l'acharnement thérapeutique, c'est quelque chose de trop lourd (...) Je suis pour que cette décision soit prise par les médecins dans le cadre du rapport intime qu'ils ont avec le malade et sa famille" (France 2, 15 février) La pire langue de bois! Qui est pour laisser souffrir les gens? Que veut dire "le bout du bout"? Bayrou est le plus centriste des trois, encore une fois...
En réalité, ces trois candidats savent bien quel risque ils prennent en s'engageant pour ou contre l'euthanasie. Le risque de déplaire à l'autre camp, alors qu'il faut rassembler pour être élu.
Mais pendant ce temps, qui avance? Le lobby pro-euthanasie, qui agira jusqu'à ce qu'elle soit reconnue. Or il me semble qu'un débat comme celui là ne doit pas être mené par des coups médiatiques comme celui-là. Où l'on impose son point de vue par la force. Où l'on mélange tout.
Sur ce sujet, on est constament dans la compassion pour faire valoir ses arguments. On parle de Vincent Humbert, on parle de cas dramatiques comme celui-là pour que l'interlocuteur se dise "oui, c'est vrai, on ne peut pas laisser des gens comme ça souffrir sans rien faire".
Mais ne peut-on pas agir, effectivement, ne pas laisser souffrir sans rien faire, mais sans pour autant TUER? Car légaliser le meurtre, aussi compassionnel soit-il, est un grave risque pour notre société. On peut aider les gens autrement qu'en les tuant. Les soins palliatifs ne servent-ils pas à ça?
Au fond, je vois plusieurs arguments intéressants contre l'euthanasie, ou tout au moins, plusieurs questions de fond importantes qui se posent dans le cadre de ce débat :
- Si l'on admet le suicide assisté en ce qui concerne les souffrances physiques, pourquoi ne pas l'admettre pour les souffrances morales? Pourquoi serais-je condamné si je tue un ami dépressif qui me le demande? On voit le risque de dérives que le raisonnement laisse sous-entendre.
- En parlant des dérives, justement, qui nous garantit qu'une fois la loi votée (qui aurait pour objet d'autoriser l'euthanasie, j'imagine, pour ceux qui sont en phase terminale et qui ne peuvent se tuer eux-mêmes), on n'étendra pas son champ d'application? Dans des pays occidentaux où de plus en plus, le poids de la démographie va rendre le financement des retraites compliqué, alors que la vie va sans cesse s'allonger, il serait tentant (pas demain, mais dans une cinquantaine d'années) de se "débarrasser" de nos vieux en les emmenant dans des mouroirs où ils seraient "pris en charge" de façon "digne". Et puis, il y a les dérives que l'on peut craindre dès demain : comment s'exprimera le consentement? Qui peut dire aujourd'hui qu'il est d'accord pour mourir quand il sera en phase terminale et qu'il n'aura pas changé d'avis quand la mort se rapprochera? Et puis j'imagine la vieille personne dans son lit d'hôpital, et la famille impatiente d'en terminer. Car la fin de vie fait souffrir celui qui la subit, mais elle est aussi très éprouvante pour les proches... J'entendais l'autre soir, sur France 2, un pro-euthanasie dire qu'on ne forcera jamais personne, vu qu'on n'avait jamais obligé quiconque à avorter, par exemple. Or qui peut dire qu'aucune femme n'a avorté sur pression de son conjoint, ou du corps médical?
- Aujourd'hui, l'euthanasie reste un crime, et pourtant, la mère de Vincent Humbert a bénéficié d'un non-lieu. Et pendant ce temps, plusieurs infirmières ont été condamnées pour avoir raccourci la vie de certains de leurs patients (sur plainte des familles). Pourquoi ne pourrait-on pas en rester là? Laisser la justice juger au cas par cas? Légaliser, c'est s'interdire tout retour en arrière, alors qu'aujourd'hui, nous avons encore la possibilité de la réflexion.
- Légaliser, c'est prendre encore un autre risque : celui de la banalisation. Aujourd'hui, ceux qui accomplissent ces actes doivent réfléchir pendant des heures, peser le pour et le contre. Forcément, puisque cela reste un crime. Mais demain? Réfléchira-t-on autant? Notre société a pris le très bon parti d'éviter les risques induits par la peine de mort (qui est le risque de tuer un innocent), et de condamner tout court l'octroi de la mort. On estime ainsi que la loi ne peut autoriser l'homme à tuer l'homme. Quel retour en arrière si l'euthanasie était votée.
- Si l'on considère que l'on peut tuer certaines personnes, sur leur demande, comment vont réagir ceux qui sont dans le même cas mais qui ne veulent pas mourir? Ne vont-elles pas se considérer comme des sous-hommes, qu'on a le droit de tuer? 82% des Français, selon un récent sondage, seraient pour l'euthanasie. C'est fou de penser que seulement 18% de la population (si le sondage dit vrai, ce qui dépend de la façon dont la question a été posée...) estime qu'on peut mourir dans la dignité autrement qu'en mourant tout de suite! Et tous ces médecins, tous ces infirmiers qui oeuvrent dans les services de soins palliatifs, qui sont encore trop peu nombreux en France parce qu'on ne veut pas les financer. Est-ce une hypocrisie, ou est-ce un aveu de l'issue du débat? Justement, pour réagir à cet appel du Nouvel Observateur, Jean-Marc Ayrault, l'un des bras droits de Ségolène Royal, s'est dit hostile à une réforme, d'après l'agence Reuters, soulignant qu'une première loi avait été votée en 2005 pour permettre l'arrêt des traitements des malades incurables et agonisants : "Il y a une loi qui a été votée, la loi Léonetti. Cette loi existe et elle est à peine appliquée. Moi, je demanderais une évaluation de cette loi avant d'en faire une autre", a-t-il dit. Voilà la solution : arrêter l'acharnement thérapeutique des agonisants, en stoppant les traitements médicaux lorsqu'il n'y a pas di'ssue favorable à espérer, et en aidant les gens à mourir doucement et dignement grâce aux soins palliatifs.
- Enfin, je pense qu'il faut évoquer ceux à qui l'on ne pense jamais : aux médecins. J'entendais l'autre jour un médecin dire que pour lui, l'euthanasie n'était pas un acte médical. Il a mille fois raison. En cas de légalisation, qui s'en occuperait? Obligera-t-on tous les médecins à s'exécuter? Certains patients disposeraient de médecins pour, et d'autres de médecins contre?
Voilà les quelques questions que je me pose à ce sujet. Et qui me font pencher d'un côté, celui de la vie. Je ne suis pas mal portant, je ne suis pas en fin de vie. Je fais juste partie d'une société qui a le droit de se déterminer autrement que sous le joug de la compassion.
J'attends avec impatience des réactions sur un tel sujet...