L'Union européenne fait tout pour qu'on la déteste

Publié le par Le chafouin

On avait envie d'évoquer le cadeau empoisonné de Nicolas Sarkozy à Patrick Devedjian, qui hérite d'un hochet pour mieux se faire dépouiller de la direction de l'UMP. Envie également de railler la constitution du nouveau bureau national du PS, dont la composition "moitié femmes moitié hommes, et 20% de membres "aux couleurs de la France" est d'un ridicule sans nom : on ouvre la porte aux gadgets politiquement corrects, mais on la ferme aux sensibilités différentes, à savoir les proches de Royal.

Mais un sujet plus grave nous préoccupe, dont la Lettre volée s'est fait l'écho à la suite de Backchich : l'Europe continue avec obstination à vouloir périodiquement se tirer de nouvelles balles dans le pied, histoire de bien freiner sa marche en avant. Histoire d'être sûre de ne servir à rien. Bref, l'Union européenne fait tout pour qu'on la déteste et qu'on cesse de croire en elle, si ce n'était pas déjà fait.

De quoi s'agit-il, cette fois? Un rapport des services du commissaire européen à l'élargissement, publié début novembre, préconise d'accélérer le processus d'adhésion de nouveaux Etats membres, dans le but de parvenir rapidement à une Europe à 35. Huit pays sont visés : la Turquie, bien sûr, la Macédoine, la Croatie, la Serbie, l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, et pourquoi pas le Kosovo!

Il y a encore cinq ans, avant l'élargissement de mai 2004, l'Europe comptait 15 pays membres. On a englobé dix Etats de l'est d'un coup en 2004, d'un seul, avant d'en intégrer deux autres autres (Roumanie-Bulgarie) en 2007. Entretemps, l'Union européenne a montré ses limites : faut de réussir à définir ensemble un objectif commun, c'est la zizanie. Les échecs du TCE puis du mini-traité en sont la preuve. L'union européenne a cessé de faire rêver en-dehors du cénacle des élites bienpensantes. Et on voudrait persévérer dans cette voie suicidaire? Continuer de privilégier le nombre à la qualité, alors que l'expérience montre que c'est un désastre?

Une seule chose compte pour les auteurs du rapport : s'élargir pour s'élargir, avec un fond de bisounoursisme en arrière-plan. "Enlargement is one of the EU's most powerful policy tools. It serves the EU's strategic interests in stability, security, and conflict prevention", écrit-on. Ainsi donc, élargissons-nous aux Balkans, pour assurer la paix et la stabilité dans cette région. Etendons-nous à la Turquie pour ancrer ce pays dans l'Occident. Et demain, proposons cela aux pays du Caucase, pourquoi pas? A l'Arménie, à la Géorgie? Et en Afrique, pourquoi pas le Maghreb? Et soyons fous, tentons notre chance au Proche-Orient! Après tout, cela pourrait empêcher les méchantes guerres de prospérer...

Au-delà de cet emportement romantique qui sert de prétexte officiel, Backchich voit une autre justification plus terre-à-terre à cette fuite en avant : "Les auteurs du rapport soulignent aussi l’aubaine économique et commerciale que représente un élargissement de l’Europe à huit nouveaux pays. Intégrer les Balkans et la Turquie, c’est repousser très loin les frontières du supermarché intérieur et du libéralisme… Peu importe de savoir comment articuler le fonctionnement politique d’une Europe à 35. Ce n’est pas le propos de la Commission à l’élargissement. Quant au fait que le traité de Lisbonne censé garantir le bon fonctionnement d’une Europe à 27 ne soit pas encore validé par tous les États membres, cela figure comme le cadet de ses soucis."

Sans compter les quelque 7,5 milliards d'euros gaspillés distribuées généreusement à ces pays, entre 2007 et 2001, afin de les aider à se préparer à nous rejoindre!

Quelle entreprise accepterait de nouvelles commandes avant d'être certaine de disposer d'une gestion correcte de son activité présente? C ommençons par définir convenablement le cadre avant de vouloir élargir la famille!

Publié dans Europe

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L
@XerbioasMais moi aussi j'aimerais continuer à rêver d'Europe, mais que veux-tu, quand on voit ça... Et ce n'est pas comme si la commission donnait régulièrement tort aux fonctionnaires chargés de l'élargissement! Regarde la Turquie. Il y a septicisme de nombreux pays à l'égard de cette candidature. Crois-tu qu'on la mette au frigo quelques mois, quelques années? Non, on continue! C'est cet aveuglement qui m'agace.@ElyasQu'on soit clair : je pense aussi que tous ces Etats ont leur place. Mais il aurait été intelligent de penser à tous ces changements avant leur arrivée en nombre ; qui plus est au moment où quasiment tous les sujets importants se décident à l'unanimité.D'accord avec toi sur la Turquie. Mais ça se fera, tu verras...@ManciodayLe prochain président de l'Union, déjà, c'est Vaclav Klaus.... Comme signe de relance d'une Europe politique, il ya mieux ;)Et Tony Blair ne me semble pas la personnalité la plus européenne qui existe sur le continent. Jacques Delors, en revanche...@VinZEt bien je vois que nous sommes en phase! ce que tu dis rejoint un billet (un peu complotiste, mais campé sur des bases réelles) de Criticus sur le rapport entre UE et régions. Billet que je t'invite naturellement à lire!
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V
@Chafouin :ah ça, je suis bien d'accord. reconnaître l'indépendance illégale du Kosovo, c'est faire prédominer les ethnies sur les nations.(et après, on va reprocher aux Russes de faire la même chose en Ossétie, Abkhazie ou Transnistrie…)Si on en reste à une Europe des nations, seule la division de la Belgique est inéluctable (on peut aussi penser à l'Écosse).Mais si on se met à une Europe des ethnies (ou "Europe des régions"), là on est mal… Pays Basque, Catalogne, Italie du Nord.Mais le pire, ça serait pour la France, pays le plus multi-ethnique qui soit. Y a qu'à voir les cartes d'eurominority.eu…
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M
Dans l'agitation, j'ai pas terminé une de mes phrases. Je disais"Il faudrait déjà que le président prochainement élu de l'UE" ait déjà assez d'autorité pour imposer une vision politique commune à la nouvelle et l'ancienne Europe. A mon sens, il faut une personnalité affirmée comme Tony Blair, mais ça semble mal parti...
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M
Très belle analyse Chafouin, merci de remettre les pendules à l'heure. L'Europe court à sa perte si elle continue à s'élargir sans réalites politiques concrètes.Il faudrait déjà que le président prochainement élu de l'UE. Depuis l'échec du Plan Fouchet en 62, l'Europe politique ne fait plus parti des priorités...
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X
En lisant le billet ma première réaction était un peu la même que celle déjà exprimée : c'est l'inconvénient d'avoir un commissaire dédié à l'élargissement. C'est un peu l'histoire du gars au marteau qui voit des clous partout. Je suis le premier à reconnaître le problème, mais ça ne m'empêche pas de continuer à rêver d'Europe.
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