Au sujet de la jurisprudence sur le statut des enfants morts-nés
Avec possibilité de faire inscrire à l'état-civil le prénom de l'enfant, d'organiser ses obsèques, d'avoir accès à certains droits sociaux (lesquels?). Certains y voient une remise en cause possible de l'avortement, d'autres au contraire une pression sur le législateur afin de clarifier les choses.
Koz a choisi de se féliciter de ces arrêts, qui permettent selon lui d'atténuer une souffrance humaine très forte, qui jusque là était amplifiée par les obstacles au deuil dressés par l'administration :
Je sais que l’esprit affuté de mes aimables commentateurs les amènera à envisager d’autres développements à ces trois décisions. Mais il s’agit en soi d’une situation humaine précise, importante, lourde humainement, qui mérite qu’on lui prête une attention spécifique.
Et je tiens à me réjouir d’une telle bonne nouvelle, et à en rester au plaisir de constater qu’il devra être mis fin à une pratique qui ne faisait qu’ajouter l’inhumanité à la douleur des parents, dans un moment des plus tragiques.
Pour lui, donc, il serait inhumain de refuser de telles avancées à ces parents sous prétexte que cela pourrait éventuellement faire naître dans l'idée de certains la volonté de remettre en cause l'avortement. Précisons que ce débat provient du fait que la Cour ne donne pas de limite dans le temps à ce statut. La limite dans un sens, c'est la naissance, mais dans l'autre, pas de point de départ fixé, alors qu'une circulaire de 2001, se basant sur des prescriptions de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), avait fixé ce seuil à 22 semaines, pour des foetus de plus de 500 g. On voit bien que ces limites sont un peu artificielles, d'ailleurs.
Chez Diner's room, Jules explique soigneusement les décisions rendues, les épluche, leur donne sens. Et s'interroge d'avantage sur leurs conséquences :
Reconnaître que le foetus est un "enfant" ne signifie pas qu'il soit une personne. Non plus qu'admettre que la vie humaine commence dès la conception suppose d'admettre la personnalité de l'enfant conçu.
Ajoutons que l'IVG est un accouchement provoqué volontairement. A suivre la Cour donc, l'article 79-1 al. 2 s'applique tout autant à l'enfant avorté volontairement qu'à celui qui fut né de ce que l'on appelle une fausse-couche. Vous me direz que la mère ne se précipitera peut-être pas pour faire reconnaître que le foetus était un enfant. (...)
La Cour de cassation n'a pas publié le rapport du Conseiller sur cette décision. Et c'est regrettable, car il est difficile d'imaginer que la question ait été ignorée. On peut donc imaginer que les présents arrêts sont une invitation discrète — plus ou moins discrète — au législateur de préciser les conditions d'établissement de l'acte.
Patrice de Plunkett, lui, voit là une "bombe dialectique qui vient d'exploser", la "fin de la pensée zéro", selon laquelle en raison de l'avortement, on coupait court à toute réflexion sur le foetus.
Depuis la loi Veil, une pensée-zéro régnait à ce sujet. Le législateur et les tribunaux évitaient tacitement de poser le problème de la personnalité du foetus. La jurisprudence de la Cour de cassation était d'ailleurs allée loin dans ce sens, notamment lors de l'arrêt Perruche. On assiste donc aujourd'hui à un revirement. Faut-il y voir une prise de conscience des juges, ou seulement un effet de la justice "aide psychologique au deuil", notion qui progresse partout en occident? En tout cas une bombe dialectique vient d'exploser. La pensée-zéro est disloquée. C'est une situation intenable qui aura des conséquences.
Une question reste en suspens, au-delà du débat qui ne manquera pas d'éclater sur l'IVG : les chambres pénales de la cour de cassation peuvent-elles remettre en cause elles-aussi leur jurisprudence sur le foetus? On se souvient qu'à plusieurs reprises, des mères ayant porté plainte à la suite de la perte de leur bébé, dûe à une intervention humaine extérieure, avaient été déboutées. Serait-ce toujours la même chose aujourd'hui, si ces mêmes bébés se voient reconnaître une existence juridique civile?